Les débuts du Chassepot à la manufacture de Tulle
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Les débuts du Chassepot à la manufacture de Tulle
Des documents inédits... Décidément, l'histoire de l'armement français est passionnant !!
29 octobre 1866
MAT à Ministre :
J'ai reçu le 22 octobre de la MAC 1 plaque de couche, 1 embouchoir, 1 capucine, 1 battant de crosse, c'est-à-dire tous les types de la garniture pour le fusil Mle 1866.
Je me suis immédiatement occupé de l'installation de la confection de ces pièces. En ce qui concerne la plaque de couche, j'ai 3 forgeurs :
Mombazet Antoine, maitre forgeur qui habite Egletons
Jorby Pierre, compagnon forgeur qui habite Treignac
Bourdaleix Léonard, compagnon forgeur qui habite Tulle.
Ces 3 forgeurs pourraient faire 2500 plaques par mois, ce qui n'est pas encore suffisant. J'ai donc demandé aux maitres Mombazet et Jorby s'ils consentaient à venir travailler à Tulle pour apprendre à faire la nouvelle plaque, sauf à rentrer à Egletons et à Treignac quand ils seraient au courant. Ces ouvriers ont répondu affirmativement.
De retour à treignac, Mr Jorby en a parlé aux autres ouvriers ; de là, grande agitation parmi les platineurs qui sont au nombre de 52. Je reçois ce matin un rapport de Mr le contrôleur Marécaux, détaché à treignac qui me mande que les autorités locales adressent à Votre Excellence soit directement soit par l'intermédiaire d'une personne dont le nom est célèbre dans le barreau et qui est de Treignac, une pétition dans laquelle on dit que j'ai donné l'ordre à tous les platineurs de se rendre à tulle, et que je les ai menacés de les y faire contraindre par la gendarmerie s'ils n'obtemperaient pas à mes ordres. Je vous rends compte que rien n'est plus faux. Les platineurs de Treignac ont encore de l'ouvrage jusqu'au 31 décembre pour l'ancienne commande ; le moment n'est donc pas encore venu de les employer à la culasse mobile ; ce ne sera que dans le mois de janvier 1867 que j'aurai l'honneur de proposer à VE les mesures à prendre en ce qui concerne ces ouvriers, et je ne me permettrais certainement pas de prescrire à 52 hommes d'avoir à quitter, en masse, une localité, une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure.
Quant à livrer ceux qui refuseraient de se rendre à tulle aux mains de la gendarmerie, je ne peux évidemment avoir dit cela puisque les lois et réglements ne m'en donneraient pas le droit...
Signé E. L....
2 mai 1867
Ministre à Colonel inspecteur des MA
J'approuve la proposition que vous m'avez adressée le 27 de ce mois en ce qui concerne la fabrication des sabres baïonnettes à la MAT.
En conséquence, j'invite le directeur de la MAT à suspendre un contrôleur chargé de la recette des armes blanches de diriger et de surveiller cette fabrication comme cela est pratiqué pour l'arme à feu, sans toutefois s'immiscer dans les questions de prix qui, en raison de la nature du contrat passé pour la fourniture de ces armes, doit rester exclusivement dans les attributions de l'entreprise.
Je prescris au directeur de la MAC de faire expédier sur la MAT 1000 sabres baïonnettes Mle 1866
Enfin je désigne le sieur Schaffeur Joseph, compagneur monteur de sabres à la MAC pour être employé comme faisant temporairement fonctions de contrôleur à la MAT en remplacement du sieur Compain (Corupain ?) désigné par erreur dans ma dépêche du 9 avril dernier.
Ministre à directeur MAT :
L'inspecteur des MA me rend compte que la fabrication des sabres baïonnettes que l'entreprise de la MAT s'est engagée à fournir éprouve des difficultés que les entrepreneurs attribuent à l'absence de contre maitres et de chefs d'ateliers capables d'installer cette fabrication. Désirant venir en aide aux entrepreneurs et faciliter autant qu'il est possible le développement des nouvelles armes, j'ai accueilli favorablement la proposition qui m'a été faite par cet officier supérieur de faire diriger l'installation et la fabrication des sabres baïonnettes par les contrôleurs chargés de la recette des armes blanches. Je vous invite en conséquence à prescrire à ces contrôleurs de diriger et de surveiller cette fabrication...
afin de parer aux éventualités qui pourraient se présenter, je prescris au directeur de la MAC de faire expédier sur la MAT 1000 sabres baïonnettes Mle 1866.
27 avril 1867
René, Inspecteur des MA au Ministre :
Messieurs les entrepreneurs de la MAT se sont engagés par un marché approuvé à la date du 11 janvier dernier à fournir à l'Etat, pour un prix à forfait, 50 000 sabres baïonnettes pour fusils Mle 1866.
Ces messieurs viennent de me rendre compte que, malgré tout leur soin, cette fabrication n'est pas en bonne voie ; ils attribuent les embarras qu'ils rencontrent à l'absence de bons contre-maitres ou chefs d'ateliers capables d'installer cette fabrication, ils rajoutent qu'il leur est bien difficile de s'en procurer dans un pays où cette industrie est absolument inconnue, qu'ils ne peuvent songer à en faire venir des autres manufactures qui ont besoin de toutes leurs ressources et qu'en tout cas ces chefs d'ateliers auraient toujours besoin d'être dirigés surtout au début. Ils demandent donc que l'Etat veuille bien venir à leur aide en faisant diriger et surveiller l'installation et la fabrication par les contrôleurs chargés de la recette des armes.
Bien qu'en raison de la nature du marché soumissionné par l'entrepreneur de Tulle, un semblable concours ne lui soit pas dû, il me semble cependant que dans les circonstances actuelles où l'administration de la guerre doit assurer par tous les moyens en son pouvoir la fabrication des armes, il était de l'intérêt de l'Etat d'accueillir favorablement cette demande d'autant plus qu'à aucun point de vue elle ne peut présenter d'inconvénient sérieux.
A ce propos, je demande à CE la permission de lui rappeler que, par sa DM en date du 15 avril courant, elle m'a fait connaitre qu'il ne lui avait pas été possible de donner suite à ma proposition du 11 mars précédent relative aux contrôleurs provisoires en ce qui concerne le sieur Compain Auguste qui par erreur avait été désigné comme monteur de sabres. Comme il importe de remplir cette vacance, je vous propose pour l'emploi de contrôleur provisoire de l'arme blanche à Tulle le sieur Schaffner Jospeh, compagnon monteur de sabres à la MAC.
Enfin pour se prémunir contre toute éventualité et surtout contre les exigences de leurs ouvriers, MM les entrepreneurs de Tulle demandent qu'il leur soit expédié 1000 sabres baïonnettes de la MAC. Les ressources de la MAC permettant de faire face à cette demande, elle ne me parait devoir donner lieu à aucune objection.(Note en rouge, dans la marge : Les 500 premiers sont à St Etienne).
Si VE daignait accueillir favorablement ces diverses propositions, il y aurait lieu de :
1/ inviter le directeur de la MATà enjoindre aux contrôleurs chargés de la recette des armes blanches de diriger et de surveiller cette fabrication comme cela se pratique pour l'arme à feu, sans toutefois s'immiscer dans la partie administrative qui, en raison de la nature du contrat passé pour la fourniture de ces armes, doit rester exclusivement dans les attributions de l'entreprise
2/ désigner Joseph Schaffner compagnon...
4 mai 1867
MAT à Ministre
Je rends compte à VE que conformément à ses ordres du 2 mai courant, j'ai prescrit aux contrôleurs chargés de la recette de l'arme blanche de diriger et de surveiller la fabrication du sabre baïonnette, sans s'immiscer toutefois dans les questions de prix... J'ai invité Sauvage et Filliol à prendre, de leur côté, des dispositions efficaces en conséquence et à préparer les locaux nécessaires.
Une des raisons pour lesquelles cette fabrication n'est pas en bonne voie, c'est le manque d'ouvriers limeurs. Je prie VE, si elle le juge convenable, de faire diriger sur la MAT, les ouvriers des corps qui, avant leur incorporation auraient éxercé la profession de limeurs et ajusteurs. MM Sauvage et Filliol demanderaient également la rentrée à la MAT de Pierre Cueille, du 97e de Ligne, aiguiseur de baïonnettes.
1er juin 1867
Colonel René, Inspecteur des MA au Ministre
L'organisation de la fabrication de l'arme blanche à la MAT rencontre quelques difficultés tenant surtout au peu de ressources que présente cette localité en ouvriers dont la profession puisse les rendre aptes à être employés à cette fabrication entièrement nouvelle dans le pays.
Il importe de faire diriger sur la MAT des ouvriers qui, par leur profession, pourraient y être employés comme chef d'atelier pour y former des élèves et y développer les différentes branches de cette fabrication. Quelques ouvriers de bonne volonté pris à la MAC et un ouvrier militaire qui m'a été particulièrement signalé, pourraient dans les circonstances présentes, rendrent de grands services à la MAT.
Les entrepreneurs de la MAT demandent qu'il leur soit expédié 2000 sabres baïonnettes fabriqués à la MAC, cet envoi ne présenterait que des avantages car je me suis assuré que ce dernier établissement pourrait, dans le présent mois de juin, disposer de 9000 sabres baïonnettes en faveur des autres MA sans ralentir ses livraisons d'armes.
Si VE daignait accueillir favorablement ces diverses propositions, il y aurait lieu de :
1/ donner des ordres pour que le sieur Coen Jean, fusillier au 43e de L soit détaché de son corps à la MAT
2/ autoriser à se rendre à la MAT pour y travailler de leur profession les ouvriers ci après nommés :
Zaug François, Ouvrard Jean, Ouvrard Jacques, Pichereau Vincent, tous monteurs de sabres à la MAC.
3/ inviter le directeur de la MAC à faire expédier à la MAT 2000 sabres baïonnettes Mle 66.
Mesures approuvées par le Ministre.
31 mai 1867
Directeur MAT à Ministre
En réponse à la DM en date du 29 mai courant, je rends compte à VE que j'avais compté pour l'exécution de la commande au 1er avril 1868 avoir avant le mois d'avril 1867 toutes les machines nécessaires à la fabrication de 180 canons par jour, ce qui n'a pas eu lieu. D'un autre côté, l'ajustage du système exige plus de temps et de main-d'oeuvre qu'on l'avait cru, et un personnel et un personnel plus nombreux que celui qui avait été jugé nécessaire et devenu indispensable. Les MA de Mutzig, St Etienne et Chatellerault ont pu, pour suppléer à l'insuffisance de leur personnel, faire venir des grandes villes avoisinantes, Strasbourg, Lyon, ou recruter dans l'industrie de la coutellerie, des ouvriers serruriers, mécaniciens, forgeurs, limeurs ou autres, mais le pays qui nous entoure ne présente pas les mêmes avantages. La ville de Tulle et ses environs offrent si peu de ressources à cet égard qu'il faudrait nécessairement avoir recours à des étrangers.
J'ai invité les entrepreneurs à le faire, mais occupés spécialement de la mise en train de leur fabrication du sabre baïonnette, ils n'ont pas répondu encore à mon invitation.
Je vous assure que je fais les plus grands efforts pour arriver à une production satisfaisante, et je vois avec la plus grande peine que malgré ces efforts je n'ai pas encore réussi. La cause des retards est relatée dans un rapport spécial que j'ai l'honneur de soumettre à VE.
Rapport détaillé sur les dispositions prises pour arriver à l'exécution de la commande dans les délais voulus :
Fabrication du fusil Mle 1866 :
La commande date du 4 octobre 1866. L'arrivée des nombreuses machines annoncées exigeait un remaniement complet des usines. L'étude des projets, la confection du nouvel outillage, les expériences préparatoires de vitesse et d'organisation du travail ont nécessairement pris beaucoup de temps. Quant à la distribution la plus convenable pour accélérer le travail, elle a été l'objet de propositions journalières discutées en présence du sous directeur, du capitaine chargé des machines, du contrôleur principal chargé de l'arme neuve, de l'un des entrepreneurs, et les ordres ont toujours été donnés par le directeur en conformité des résultats de la discussion ; tous les moyens que lui ont suggéré son expérience de la fabrication ont été employés. Malheureusement, nous manquons encore de machines essentielles, d'un autre côté il est à regretter que dans une manufacture sujette, comme celle de Tulle, à manquer de bras, l'entreprise n'ait fait aucun effort pour se créer un personnel nombreux d'ouvriers sachant manier la lime.
Quant au rendement actuel des machines, il est inférieur, c'est vrai, à ce qu'il devait être ; cela tient à diverses causes. D'abord le retard dans l'expédition de ces machines, et ensuite les lenteurs inévitables de l'appareillage avec les moyens restreints à notre disposition, d'où résulte un défaut d'équilibre entre les produits des unes et des autres. Ainsi nous avons 22 machines à aléser les canons ; sur ce nombre, 13 seulement travaillent à l'heure qu'il est, parce qu'il faut refaire les engrenages, ces pièces en mauvaise fonte n'ont pas la moindre résistance.
Or, pour tailler de nouveaux engrenages nous n'avons que notre ancienne machine à plateau déjà fort occupée pour la fabrication des fraises. Nous n'avons pu affecter aux chambres des canons que 4 tours ce qui est bien au dessous de nos besoins. Quant aux boites nous commençons à peine à en percer quelques-unes à l'usine ; jusqu'ici donc, le perçage de ces trous à l'estomac a de beaucoup restreint le produit des limeurs. Le fraisage des chiens commence à peine et le perçage des trous en travers et du logement de la clavette se fait encore à la main ; voilà pourquoi le finissage de cette pièce est si long. Pour le cylindre, les machines à fraiser peuvent jusqu'ici produire 110 par jour mais ce qui retarde par dessus tout, c'est, par suite du retard dans le travail des machines, la lenteur considérable de l'ajustage du système. C'est là la vrai difficulté pour le moment. Lorsque nous aurons les machines qui nous manquent et que ces machines donneront des produits suffisamment rapprochés de la lime, alors seulement nous pourrons donner l'importance qui lui manque au produit de l'atelier des ajusteurs. Pour surcroît de difficultés, deux marteaux du moulin Guinier sont cassés, nous en avons demandé d'autres mais en attendant qu'ils nous soient expédiés, il serait à désirer que la MAC put nous envoyer un millier de cylindres de forge. Il faut tenir compte aussi de la difficulté de se procurer des ouvriers et surtout de bons ouvriers ; le détachement de la compagnie d'armuriers qui vient de nous arriver laisse beaucoup à désirer ; certains ouvriers n'ont jamais rien fait et pourront seulement être employés au polissage. Maintenant, quant à préciser l'époque à laquelle nous pourrons compléter la fabrication, cela n'est pas possible ; cela dépendra de la rapidité avec laquelle les machines qui nous manquent seront expédiées et de la facilité que nous trouverons à recruter notre personnel. En ce qui concerne les moyens de développement, l'atelier des limeurs est en construction, le prolongement de l'usine N°27 est en voie d'exécution et quelques ouvriers limeurs se présentent journellement. Le personnel militaire est demandé, le détachement de la compagnie d'armuriers (33 hommes) est arrivé. Nous avons commandé à Limoges 2 machines à percer pour le chien et 1 machine à finir les fentes de la boite.
Toutes les mesures sont donc prises pour le matériel ; quant au personnel, c'est une affaire de temps et l'on ne peut prévoir la date à laquelle il sera complet. On ne peut pas non plus songer à organiser un travail de nuit, car pour cela, il faut nécessairement établir des relais, et les ouvriers ne sont pas en nombre suffisant pour le travail de jour.
La fabrication du sabre baïonnette se trouve dans la situation suivante :
La forge de la lame est la partie qui laisse le moins à désirer ; la production mensuelle est actuellement de 3000 lames. On peut aiguiser et finir 1000 lames ; ce chiffre ne s'accroitra pas sensiblement d'ici à 3 mois ; les apprentis, seuls ouvriers à la disposition des entrepreneurs, ne pourront guère donner de produits avant ce délai. La fabrication mécanique du fourreau sera organisée dans une quinzaine de jours, on attend tous les jours les ouvriers spéciaux qui doivent la mettre en train ; les ouvriers limeurs sont suffisants pour l'achevage du fourreau. Le montage du sabre est la partie la plus en retard, celle qui donne le plus de mal à organiser, les ouvriers manquent complètement. Les entrepreneurs sont en voie d'organiser à Limoges un atelier pour faire la monture, on ne sait encore ce qu'il produira, mais ils ont pris des mesures pour parer à l'insuffisance de leur production qui, à partir du mois d'août, leur donneront tous les sabres baïonnettes dont nous aurons besoin.
Tulle le 31 mai 1867
Lieutenant colonel directeur de la MAT
10 juin 1867
Colonel René au Ministre, copie de ses réponses au directeur de Tulle
On a demandé à Tulle 50 000 armes pour le 1er avril 1867 ? le reste illisible.
Le rendement devait être de 180 armes par jour mais si les difficultés persistent il faudra monter à 200 armes par jour pour tenir les délais.
Le colonel explique ensuite au ministre que le rapport du directeur de la MAT ne correspond pas à ce qui était demandé et lui a répondu :
"Je dois vous exprimer le profond étonnement que j'ai ressenti à la lecture de ce rapport. Vous cherchez à expliquer le défaut de production par le manque de machines pour une fabrication de 180 armes par jour. On ne vous demande pas en ce moment 180 armes par jour ; on vous demande de produire avec les machines et le personnel que vous avez à votre disposition depuis longtemps. A quoi vous aurait servi d'avoir avant le mois d'avril toutes les machines, puisque vous ne faites pas produire celles que vous avez ?
Le 28 mars, vous m'annonciez 500 fusils pour le 1er mai et 1500 pour le 1er juin, vous ne parliez pas alors du manque de machines. Comment la question a-t-elle tout d'un coup changé de face ? Je ne peux me l'expliquer que d'une manière : c'est que l'organisation de chaque partie n'a pas été étudiée dans ses détails. C'est cette appréhension qui m'avait engagé à vous demander un rapport détaillé et celui que vous m'envoyez ne répond pas à mes questions ; il reste dans les termes vagues et je ne suis pas plus avancé qu'auparavant. Il faut sortir à tout prix de cette situation... Le retard ne peut provenir que d'un vice de direction, je ne vois pas d'autre explication plausible. Il faut donc vous hâter sérieusement et voir si vous vous sentez la force d'y remédier.
Si l'on compare les MA entre elles, sous le rapport du matériel et des machines outils, on voit que si loin en excepte St Etienne, la MAT se trouvait au 1er avril, dans une situation plus avantageuse que celle de Mutzig et sur le même pied que celle de la MAC. Tulle devrait donc être déjà en voie de produire plus qu'il ne fait. J'avais attribué le retard à quelques lenteurs irréparables de l'installation de l'outillage, et j'espère encore que c'est là une des causes dominantes ; mais dans l'état des choses, je regarde comme indispensable d'envoyer à Tulle mon adjoint, Mr le capitaine Bry, pour y suivre le détail de la fabrication dans toutes ses parties et voir, avec le directeur, où peut être ce point d'arrêt. Je prie VE de vouloir approuver cette mesure et donner des ordres en conséquences.
Paris, le 26 septembre 1869
Colonel René
Observations sur des notes remises au ministère au sujet de la MAT
On fait valoir dans ces notes qu'il y aurait humanité, si la MAT doit être supprimée à la fin du traité, à dédommager cette ville en lui accordant une manufacture des tabacs.
On demanderait que l'administration agit ainsi qu'il suit :
La commande de 1870 pour Tulle est de 35 000 armes
La commande de 1871 pour Tulle sera de 25 000 armes environ.
Les commandes postérieures dépendant des crédits budgétaires. Si l'on obteint le crédit demandé de 5 millions, Tulle aura pour sa part 1 million soit 15 000 armes environ et pour 4 ans (de 1872 à 1875) 60 000 armes, soit un total entre 1870 et 1875 de 120 000 armes. Si le crédit est ramené comme autrefois à 2 millions, Tulle aura 435 000 par an soit 1 740 000 pour 4 ans, ou 28 000 armes, ce qui donne un total de 88 000 armes.
Ainsi, le traité suivant son cours, Tulle aura, du 1er janvier 1870 au 31 décembre 1875 des commandes s'élevant au maximum à 120 000 armes et au minimum 88 000 armes.
MM Sauvage et Filliol voudraient que si l'administration fit une commande ferme de 88 000 armes au moins, livrables d'ici à la fin de 1873, ce qui, disent-ils, permettrait, après le renvoi des ouvriers militaires, de faire travailler les ouvriers de Tulle à plein bras jusqu'à cette époque...
Dans la question dont il s'agit quels sont les intérêts en prescrivant ceux de l'état, ceux des entrepreneurs, ceux des ouvriers.
L'intérêt proprement dit de l'état est nul dans cette question. Que la MAT soit fermée demain ou en 1875, les charges de l'état sont les mêmes puisque cette fermeture n'entraine évidemment pas de réduction dans les cadres des officiers et employés de l'artillerie mais quant aux embarras occasionnés à l'état par la cessation du travail ; ils sont grands pour une cessation brusque, minime, pour une cessation ménagée pendant 7 ans. J'adresserai ces jours-ci au ministre des propositions pour les mesures à prendre lors de la fermeture prochaine de Mutzig. Ces mesures seront analogues pour Tulle en 1875. Lorsqu'un cas pareil se présente voici la marche naturelle des choses.
La réduction portant en même temps sur toutes les MA, on ne peut enlever le pain aux ouvriers de St Etienne, par exemple, en jetant dans cette ville tous les ouvriers sans ouvrage de Mutzig ou de Tulle. La première mesure à prendre lorsqu'on supprime une manufacture est donc de mettre en congé tous les ouvriers sans exception, ce qui est conforme au réglement, puis en retraite tous ceux qui ont plus de 25 ans de service. On maintient en congé jusqu'à leur retraite ceux qui ont plus de 28 ans de service. Il reste à placer les ouvriers qui sont dans un de leurs 3 premiers engagements (il est de 6 ans). Pour les mauvais ouvriers, on leur laisse achever un congé leur période d'engagement et on ne le renouvelle pas. Pour les bons on les appelle au fur et à mesure des besoins dans un autre établissement, s'ils refusent de se déplacer on les raye.
C'est une grande erreur de croire, comme dans la note, que l'Etat serait obligé de transporter dans une autre MA les ouvriers engagés de Tulle qui seraient sans ouvrage. D'après le réglement, l'Etat ne doit d'ouvrage aux ouvriers engagés qu'autant qu'il y a des commandes, sinon il les met en congé temporaire. Dans cette position, l'ouvrier conserve ses droits à la retraite mais il est obligé de revenir à la manufacture à la première formation du directeur pour ... il est rayé. Or il est facile de voir qu'avec un délai de 7 ans, en supprimant à peu près les engagements dès à présent et ne renouvelant pas ceux des ouvriers médiocres, on arriverait à n'avoir plus en 1875 qu'un petit nombre d'ouvriers à placer.
La note confond les ouvriers libres avec les ouvriers engagés, l'Etat ne doit absolument rien aux premiers mais il est encore facile de voir que si les commandes décroissent d'année en année, les ouvriers renvoyés successivement trouvent plus facilement à se placer que si tous se trouvent à la fois sur le pavé.
L'intérêt des entrepreneurs à obtenir une commande ferme qui réduise de 2 années leur traité est évident puisque le nombre d'armes à faire restant le même, leur frais généraux de 2 années seraient supprimés. C'est précisément le seul intérêt qu'on passe sous silence dans la note.
On ne pourrait faire droit à cette demande qu'en lésant les autres MA qui réclament déjà pour leurs ouvriers, à moins que le corps legislatif n'accordât un crédit spécial à Tulle.
L'intérêt des ouvriers, étant donné un nombre fixe d'armes d'ici à 1875 n'est pas de les faire le plus tôt possible pour se trouver ensuite tous sans ouvrage en même temps, leur intérêt est de ne pas se faire concurrence dans leurs recherches d'ouvrages et de se placer successivement... le reste illisible
Septembre 1869
Si l'administration reconnait la nécessité absolue de supprimer la MAT, elle agira avec humanité en en prévenant dès maintenant les autorités locales afin que celles-ci se mettent en mesure d'obtenir du gouvernement quelque autre établissement public, dont le travail atténuerait s'il est possible la perturbation jetée dans un département ... par la suppression de l'industrie occupant directement ou faisant vivre les 3/4 de la population de son chef-lieu, menacée de descendre de 12 000 armes à 5 ou 6 000 par cette suppression.
Il serait de l'intérêt des ouvriers que la commande que l'administration est dans l'intention de fournir à la manufacture jusqu'au moment de la suppression, fut, de même qu'à Mutzig, condensée en une rapide... le reste illisible ! 1600 ouvriers environ à la MAT, soit presque la moitié de la population totale de la ville.
1er décembre 1869
Ministre
Dans la lettre ci-jointe Mr Lafond de St Maur, député et maire de Tulle expose qu'une vive inquiétude règne parmi les habitants de cette ville par suite de bruits émanant des bureaux du ministère de la guerre et d'après lesquels la MAT serait prochainement supprimée.
Il n'est nullement question pour le moment de la suppression de la manufacture qui a du travail à faire pour 1870 et 1871.
Suite à retranscrire...
29 octobre 1866
MAT à Ministre :
J'ai reçu le 22 octobre de la MAC 1 plaque de couche, 1 embouchoir, 1 capucine, 1 battant de crosse, c'est-à-dire tous les types de la garniture pour le fusil Mle 1866.
Je me suis immédiatement occupé de l'installation de la confection de ces pièces. En ce qui concerne la plaque de couche, j'ai 3 forgeurs :
Mombazet Antoine, maitre forgeur qui habite Egletons
Jorby Pierre, compagnon forgeur qui habite Treignac
Bourdaleix Léonard, compagnon forgeur qui habite Tulle.
Ces 3 forgeurs pourraient faire 2500 plaques par mois, ce qui n'est pas encore suffisant. J'ai donc demandé aux maitres Mombazet et Jorby s'ils consentaient à venir travailler à Tulle pour apprendre à faire la nouvelle plaque, sauf à rentrer à Egletons et à Treignac quand ils seraient au courant. Ces ouvriers ont répondu affirmativement.
De retour à treignac, Mr Jorby en a parlé aux autres ouvriers ; de là, grande agitation parmi les platineurs qui sont au nombre de 52. Je reçois ce matin un rapport de Mr le contrôleur Marécaux, détaché à treignac qui me mande que les autorités locales adressent à Votre Excellence soit directement soit par l'intermédiaire d'une personne dont le nom est célèbre dans le barreau et qui est de Treignac, une pétition dans laquelle on dit que j'ai donné l'ordre à tous les platineurs de se rendre à tulle, et que je les ai menacés de les y faire contraindre par la gendarmerie s'ils n'obtemperaient pas à mes ordres. Je vous rends compte que rien n'est plus faux. Les platineurs de Treignac ont encore de l'ouvrage jusqu'au 31 décembre pour l'ancienne commande ; le moment n'est donc pas encore venu de les employer à la culasse mobile ; ce ne sera que dans le mois de janvier 1867 que j'aurai l'honneur de proposer à VE les mesures à prendre en ce qui concerne ces ouvriers, et je ne me permettrais certainement pas de prescrire à 52 hommes d'avoir à quitter, en masse, une localité, une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure.
Quant à livrer ceux qui refuseraient de se rendre à tulle aux mains de la gendarmerie, je ne peux évidemment avoir dit cela puisque les lois et réglements ne m'en donneraient pas le droit...
Signé E. L....
2 mai 1867
Ministre à Colonel inspecteur des MA
J'approuve la proposition que vous m'avez adressée le 27 de ce mois en ce qui concerne la fabrication des sabres baïonnettes à la MAT.
En conséquence, j'invite le directeur de la MAT à suspendre un contrôleur chargé de la recette des armes blanches de diriger et de surveiller cette fabrication comme cela est pratiqué pour l'arme à feu, sans toutefois s'immiscer dans les questions de prix qui, en raison de la nature du contrat passé pour la fourniture de ces armes, doit rester exclusivement dans les attributions de l'entreprise.
Je prescris au directeur de la MAC de faire expédier sur la MAT 1000 sabres baïonnettes Mle 1866
Enfin je désigne le sieur Schaffeur Joseph, compagneur monteur de sabres à la MAC pour être employé comme faisant temporairement fonctions de contrôleur à la MAT en remplacement du sieur Compain (Corupain ?) désigné par erreur dans ma dépêche du 9 avril dernier.
Ministre à directeur MAT :
L'inspecteur des MA me rend compte que la fabrication des sabres baïonnettes que l'entreprise de la MAT s'est engagée à fournir éprouve des difficultés que les entrepreneurs attribuent à l'absence de contre maitres et de chefs d'ateliers capables d'installer cette fabrication. Désirant venir en aide aux entrepreneurs et faciliter autant qu'il est possible le développement des nouvelles armes, j'ai accueilli favorablement la proposition qui m'a été faite par cet officier supérieur de faire diriger l'installation et la fabrication des sabres baïonnettes par les contrôleurs chargés de la recette des armes blanches. Je vous invite en conséquence à prescrire à ces contrôleurs de diriger et de surveiller cette fabrication...
afin de parer aux éventualités qui pourraient se présenter, je prescris au directeur de la MAC de faire expédier sur la MAT 1000 sabres baïonnettes Mle 1866.
27 avril 1867
René, Inspecteur des MA au Ministre :
Messieurs les entrepreneurs de la MAT se sont engagés par un marché approuvé à la date du 11 janvier dernier à fournir à l'Etat, pour un prix à forfait, 50 000 sabres baïonnettes pour fusils Mle 1866.
Ces messieurs viennent de me rendre compte que, malgré tout leur soin, cette fabrication n'est pas en bonne voie ; ils attribuent les embarras qu'ils rencontrent à l'absence de bons contre-maitres ou chefs d'ateliers capables d'installer cette fabrication, ils rajoutent qu'il leur est bien difficile de s'en procurer dans un pays où cette industrie est absolument inconnue, qu'ils ne peuvent songer à en faire venir des autres manufactures qui ont besoin de toutes leurs ressources et qu'en tout cas ces chefs d'ateliers auraient toujours besoin d'être dirigés surtout au début. Ils demandent donc que l'Etat veuille bien venir à leur aide en faisant diriger et surveiller l'installation et la fabrication par les contrôleurs chargés de la recette des armes.
Bien qu'en raison de la nature du marché soumissionné par l'entrepreneur de Tulle, un semblable concours ne lui soit pas dû, il me semble cependant que dans les circonstances actuelles où l'administration de la guerre doit assurer par tous les moyens en son pouvoir la fabrication des armes, il était de l'intérêt de l'Etat d'accueillir favorablement cette demande d'autant plus qu'à aucun point de vue elle ne peut présenter d'inconvénient sérieux.
A ce propos, je demande à CE la permission de lui rappeler que, par sa DM en date du 15 avril courant, elle m'a fait connaitre qu'il ne lui avait pas été possible de donner suite à ma proposition du 11 mars précédent relative aux contrôleurs provisoires en ce qui concerne le sieur Compain Auguste qui par erreur avait été désigné comme monteur de sabres. Comme il importe de remplir cette vacance, je vous propose pour l'emploi de contrôleur provisoire de l'arme blanche à Tulle le sieur Schaffner Jospeh, compagnon monteur de sabres à la MAC.
Enfin pour se prémunir contre toute éventualité et surtout contre les exigences de leurs ouvriers, MM les entrepreneurs de Tulle demandent qu'il leur soit expédié 1000 sabres baïonnettes de la MAC. Les ressources de la MAC permettant de faire face à cette demande, elle ne me parait devoir donner lieu à aucune objection.(Note en rouge, dans la marge : Les 500 premiers sont à St Etienne).
Si VE daignait accueillir favorablement ces diverses propositions, il y aurait lieu de :
1/ inviter le directeur de la MATà enjoindre aux contrôleurs chargés de la recette des armes blanches de diriger et de surveiller cette fabrication comme cela se pratique pour l'arme à feu, sans toutefois s'immiscer dans la partie administrative qui, en raison de la nature du contrat passé pour la fourniture de ces armes, doit rester exclusivement dans les attributions de l'entreprise
2/ désigner Joseph Schaffner compagnon...
4 mai 1867
MAT à Ministre
Je rends compte à VE que conformément à ses ordres du 2 mai courant, j'ai prescrit aux contrôleurs chargés de la recette de l'arme blanche de diriger et de surveiller la fabrication du sabre baïonnette, sans s'immiscer toutefois dans les questions de prix... J'ai invité Sauvage et Filliol à prendre, de leur côté, des dispositions efficaces en conséquence et à préparer les locaux nécessaires.
Une des raisons pour lesquelles cette fabrication n'est pas en bonne voie, c'est le manque d'ouvriers limeurs. Je prie VE, si elle le juge convenable, de faire diriger sur la MAT, les ouvriers des corps qui, avant leur incorporation auraient éxercé la profession de limeurs et ajusteurs. MM Sauvage et Filliol demanderaient également la rentrée à la MAT de Pierre Cueille, du 97e de Ligne, aiguiseur de baïonnettes.
1er juin 1867
Colonel René, Inspecteur des MA au Ministre
L'organisation de la fabrication de l'arme blanche à la MAT rencontre quelques difficultés tenant surtout au peu de ressources que présente cette localité en ouvriers dont la profession puisse les rendre aptes à être employés à cette fabrication entièrement nouvelle dans le pays.
Il importe de faire diriger sur la MAT des ouvriers qui, par leur profession, pourraient y être employés comme chef d'atelier pour y former des élèves et y développer les différentes branches de cette fabrication. Quelques ouvriers de bonne volonté pris à la MAC et un ouvrier militaire qui m'a été particulièrement signalé, pourraient dans les circonstances présentes, rendrent de grands services à la MAT.
Les entrepreneurs de la MAT demandent qu'il leur soit expédié 2000 sabres baïonnettes fabriqués à la MAC, cet envoi ne présenterait que des avantages car je me suis assuré que ce dernier établissement pourrait, dans le présent mois de juin, disposer de 9000 sabres baïonnettes en faveur des autres MA sans ralentir ses livraisons d'armes.
Si VE daignait accueillir favorablement ces diverses propositions, il y aurait lieu de :
1/ donner des ordres pour que le sieur Coen Jean, fusillier au 43e de L soit détaché de son corps à la MAT
2/ autoriser à se rendre à la MAT pour y travailler de leur profession les ouvriers ci après nommés :
Zaug François, Ouvrard Jean, Ouvrard Jacques, Pichereau Vincent, tous monteurs de sabres à la MAC.
3/ inviter le directeur de la MAC à faire expédier à la MAT 2000 sabres baïonnettes Mle 66.
Mesures approuvées par le Ministre.
31 mai 1867
Directeur MAT à Ministre
En réponse à la DM en date du 29 mai courant, je rends compte à VE que j'avais compté pour l'exécution de la commande au 1er avril 1868 avoir avant le mois d'avril 1867 toutes les machines nécessaires à la fabrication de 180 canons par jour, ce qui n'a pas eu lieu. D'un autre côté, l'ajustage du système exige plus de temps et de main-d'oeuvre qu'on l'avait cru, et un personnel et un personnel plus nombreux que celui qui avait été jugé nécessaire et devenu indispensable. Les MA de Mutzig, St Etienne et Chatellerault ont pu, pour suppléer à l'insuffisance de leur personnel, faire venir des grandes villes avoisinantes, Strasbourg, Lyon, ou recruter dans l'industrie de la coutellerie, des ouvriers serruriers, mécaniciens, forgeurs, limeurs ou autres, mais le pays qui nous entoure ne présente pas les mêmes avantages. La ville de Tulle et ses environs offrent si peu de ressources à cet égard qu'il faudrait nécessairement avoir recours à des étrangers.
J'ai invité les entrepreneurs à le faire, mais occupés spécialement de la mise en train de leur fabrication du sabre baïonnette, ils n'ont pas répondu encore à mon invitation.
Je vous assure que je fais les plus grands efforts pour arriver à une production satisfaisante, et je vois avec la plus grande peine que malgré ces efforts je n'ai pas encore réussi. La cause des retards est relatée dans un rapport spécial que j'ai l'honneur de soumettre à VE.
Rapport détaillé sur les dispositions prises pour arriver à l'exécution de la commande dans les délais voulus :
Fabrication du fusil Mle 1866 :
La commande date du 4 octobre 1866. L'arrivée des nombreuses machines annoncées exigeait un remaniement complet des usines. L'étude des projets, la confection du nouvel outillage, les expériences préparatoires de vitesse et d'organisation du travail ont nécessairement pris beaucoup de temps. Quant à la distribution la plus convenable pour accélérer le travail, elle a été l'objet de propositions journalières discutées en présence du sous directeur, du capitaine chargé des machines, du contrôleur principal chargé de l'arme neuve, de l'un des entrepreneurs, et les ordres ont toujours été donnés par le directeur en conformité des résultats de la discussion ; tous les moyens que lui ont suggéré son expérience de la fabrication ont été employés. Malheureusement, nous manquons encore de machines essentielles, d'un autre côté il est à regretter que dans une manufacture sujette, comme celle de Tulle, à manquer de bras, l'entreprise n'ait fait aucun effort pour se créer un personnel nombreux d'ouvriers sachant manier la lime.
Quant au rendement actuel des machines, il est inférieur, c'est vrai, à ce qu'il devait être ; cela tient à diverses causes. D'abord le retard dans l'expédition de ces machines, et ensuite les lenteurs inévitables de l'appareillage avec les moyens restreints à notre disposition, d'où résulte un défaut d'équilibre entre les produits des unes et des autres. Ainsi nous avons 22 machines à aléser les canons ; sur ce nombre, 13 seulement travaillent à l'heure qu'il est, parce qu'il faut refaire les engrenages, ces pièces en mauvaise fonte n'ont pas la moindre résistance.
Or, pour tailler de nouveaux engrenages nous n'avons que notre ancienne machine à plateau déjà fort occupée pour la fabrication des fraises. Nous n'avons pu affecter aux chambres des canons que 4 tours ce qui est bien au dessous de nos besoins. Quant aux boites nous commençons à peine à en percer quelques-unes à l'usine ; jusqu'ici donc, le perçage de ces trous à l'estomac a de beaucoup restreint le produit des limeurs. Le fraisage des chiens commence à peine et le perçage des trous en travers et du logement de la clavette se fait encore à la main ; voilà pourquoi le finissage de cette pièce est si long. Pour le cylindre, les machines à fraiser peuvent jusqu'ici produire 110 par jour mais ce qui retarde par dessus tout, c'est, par suite du retard dans le travail des machines, la lenteur considérable de l'ajustage du système. C'est là la vrai difficulté pour le moment. Lorsque nous aurons les machines qui nous manquent et que ces machines donneront des produits suffisamment rapprochés de la lime, alors seulement nous pourrons donner l'importance qui lui manque au produit de l'atelier des ajusteurs. Pour surcroît de difficultés, deux marteaux du moulin Guinier sont cassés, nous en avons demandé d'autres mais en attendant qu'ils nous soient expédiés, il serait à désirer que la MAC put nous envoyer un millier de cylindres de forge. Il faut tenir compte aussi de la difficulté de se procurer des ouvriers et surtout de bons ouvriers ; le détachement de la compagnie d'armuriers qui vient de nous arriver laisse beaucoup à désirer ; certains ouvriers n'ont jamais rien fait et pourront seulement être employés au polissage. Maintenant, quant à préciser l'époque à laquelle nous pourrons compléter la fabrication, cela n'est pas possible ; cela dépendra de la rapidité avec laquelle les machines qui nous manquent seront expédiées et de la facilité que nous trouverons à recruter notre personnel. En ce qui concerne les moyens de développement, l'atelier des limeurs est en construction, le prolongement de l'usine N°27 est en voie d'exécution et quelques ouvriers limeurs se présentent journellement. Le personnel militaire est demandé, le détachement de la compagnie d'armuriers (33 hommes) est arrivé. Nous avons commandé à Limoges 2 machines à percer pour le chien et 1 machine à finir les fentes de la boite.
Toutes les mesures sont donc prises pour le matériel ; quant au personnel, c'est une affaire de temps et l'on ne peut prévoir la date à laquelle il sera complet. On ne peut pas non plus songer à organiser un travail de nuit, car pour cela, il faut nécessairement établir des relais, et les ouvriers ne sont pas en nombre suffisant pour le travail de jour.
La fabrication du sabre baïonnette se trouve dans la situation suivante :
La forge de la lame est la partie qui laisse le moins à désirer ; la production mensuelle est actuellement de 3000 lames. On peut aiguiser et finir 1000 lames ; ce chiffre ne s'accroitra pas sensiblement d'ici à 3 mois ; les apprentis, seuls ouvriers à la disposition des entrepreneurs, ne pourront guère donner de produits avant ce délai. La fabrication mécanique du fourreau sera organisée dans une quinzaine de jours, on attend tous les jours les ouvriers spéciaux qui doivent la mettre en train ; les ouvriers limeurs sont suffisants pour l'achevage du fourreau. Le montage du sabre est la partie la plus en retard, celle qui donne le plus de mal à organiser, les ouvriers manquent complètement. Les entrepreneurs sont en voie d'organiser à Limoges un atelier pour faire la monture, on ne sait encore ce qu'il produira, mais ils ont pris des mesures pour parer à l'insuffisance de leur production qui, à partir du mois d'août, leur donneront tous les sabres baïonnettes dont nous aurons besoin.
Tulle le 31 mai 1867
Lieutenant colonel directeur de la MAT
10 juin 1867
Colonel René au Ministre, copie de ses réponses au directeur de Tulle
On a demandé à Tulle 50 000 armes pour le 1er avril 1867 ? le reste illisible.
Le rendement devait être de 180 armes par jour mais si les difficultés persistent il faudra monter à 200 armes par jour pour tenir les délais.
Le colonel explique ensuite au ministre que le rapport du directeur de la MAT ne correspond pas à ce qui était demandé et lui a répondu :
"Je dois vous exprimer le profond étonnement que j'ai ressenti à la lecture de ce rapport. Vous cherchez à expliquer le défaut de production par le manque de machines pour une fabrication de 180 armes par jour. On ne vous demande pas en ce moment 180 armes par jour ; on vous demande de produire avec les machines et le personnel que vous avez à votre disposition depuis longtemps. A quoi vous aurait servi d'avoir avant le mois d'avril toutes les machines, puisque vous ne faites pas produire celles que vous avez ?
Le 28 mars, vous m'annonciez 500 fusils pour le 1er mai et 1500 pour le 1er juin, vous ne parliez pas alors du manque de machines. Comment la question a-t-elle tout d'un coup changé de face ? Je ne peux me l'expliquer que d'une manière : c'est que l'organisation de chaque partie n'a pas été étudiée dans ses détails. C'est cette appréhension qui m'avait engagé à vous demander un rapport détaillé et celui que vous m'envoyez ne répond pas à mes questions ; il reste dans les termes vagues et je ne suis pas plus avancé qu'auparavant. Il faut sortir à tout prix de cette situation... Le retard ne peut provenir que d'un vice de direction, je ne vois pas d'autre explication plausible. Il faut donc vous hâter sérieusement et voir si vous vous sentez la force d'y remédier.
Si l'on compare les MA entre elles, sous le rapport du matériel et des machines outils, on voit que si loin en excepte St Etienne, la MAT se trouvait au 1er avril, dans une situation plus avantageuse que celle de Mutzig et sur le même pied que celle de la MAC. Tulle devrait donc être déjà en voie de produire plus qu'il ne fait. J'avais attribué le retard à quelques lenteurs irréparables de l'installation de l'outillage, et j'espère encore que c'est là une des causes dominantes ; mais dans l'état des choses, je regarde comme indispensable d'envoyer à Tulle mon adjoint, Mr le capitaine Bry, pour y suivre le détail de la fabrication dans toutes ses parties et voir, avec le directeur, où peut être ce point d'arrêt. Je prie VE de vouloir approuver cette mesure et donner des ordres en conséquences.
Paris, le 26 septembre 1869
Colonel René
Observations sur des notes remises au ministère au sujet de la MAT
On fait valoir dans ces notes qu'il y aurait humanité, si la MAT doit être supprimée à la fin du traité, à dédommager cette ville en lui accordant une manufacture des tabacs.
On demanderait que l'administration agit ainsi qu'il suit :
La commande de 1870 pour Tulle est de 35 000 armes
La commande de 1871 pour Tulle sera de 25 000 armes environ.
Les commandes postérieures dépendant des crédits budgétaires. Si l'on obteint le crédit demandé de 5 millions, Tulle aura pour sa part 1 million soit 15 000 armes environ et pour 4 ans (de 1872 à 1875) 60 000 armes, soit un total entre 1870 et 1875 de 120 000 armes. Si le crédit est ramené comme autrefois à 2 millions, Tulle aura 435 000 par an soit 1 740 000 pour 4 ans, ou 28 000 armes, ce qui donne un total de 88 000 armes.
Ainsi, le traité suivant son cours, Tulle aura, du 1er janvier 1870 au 31 décembre 1875 des commandes s'élevant au maximum à 120 000 armes et au minimum 88 000 armes.
MM Sauvage et Filliol voudraient que si l'administration fit une commande ferme de 88 000 armes au moins, livrables d'ici à la fin de 1873, ce qui, disent-ils, permettrait, après le renvoi des ouvriers militaires, de faire travailler les ouvriers de Tulle à plein bras jusqu'à cette époque...
Dans la question dont il s'agit quels sont les intérêts en prescrivant ceux de l'état, ceux des entrepreneurs, ceux des ouvriers.
L'intérêt proprement dit de l'état est nul dans cette question. Que la MAT soit fermée demain ou en 1875, les charges de l'état sont les mêmes puisque cette fermeture n'entraine évidemment pas de réduction dans les cadres des officiers et employés de l'artillerie mais quant aux embarras occasionnés à l'état par la cessation du travail ; ils sont grands pour une cessation brusque, minime, pour une cessation ménagée pendant 7 ans. J'adresserai ces jours-ci au ministre des propositions pour les mesures à prendre lors de la fermeture prochaine de Mutzig. Ces mesures seront analogues pour Tulle en 1875. Lorsqu'un cas pareil se présente voici la marche naturelle des choses.
La réduction portant en même temps sur toutes les MA, on ne peut enlever le pain aux ouvriers de St Etienne, par exemple, en jetant dans cette ville tous les ouvriers sans ouvrage de Mutzig ou de Tulle. La première mesure à prendre lorsqu'on supprime une manufacture est donc de mettre en congé tous les ouvriers sans exception, ce qui est conforme au réglement, puis en retraite tous ceux qui ont plus de 25 ans de service. On maintient en congé jusqu'à leur retraite ceux qui ont plus de 28 ans de service. Il reste à placer les ouvriers qui sont dans un de leurs 3 premiers engagements (il est de 6 ans). Pour les mauvais ouvriers, on leur laisse achever un congé leur période d'engagement et on ne le renouvelle pas. Pour les bons on les appelle au fur et à mesure des besoins dans un autre établissement, s'ils refusent de se déplacer on les raye.
C'est une grande erreur de croire, comme dans la note, que l'Etat serait obligé de transporter dans une autre MA les ouvriers engagés de Tulle qui seraient sans ouvrage. D'après le réglement, l'Etat ne doit d'ouvrage aux ouvriers engagés qu'autant qu'il y a des commandes, sinon il les met en congé temporaire. Dans cette position, l'ouvrier conserve ses droits à la retraite mais il est obligé de revenir à la manufacture à la première formation du directeur pour ... il est rayé. Or il est facile de voir qu'avec un délai de 7 ans, en supprimant à peu près les engagements dès à présent et ne renouvelant pas ceux des ouvriers médiocres, on arriverait à n'avoir plus en 1875 qu'un petit nombre d'ouvriers à placer.
La note confond les ouvriers libres avec les ouvriers engagés, l'Etat ne doit absolument rien aux premiers mais il est encore facile de voir que si les commandes décroissent d'année en année, les ouvriers renvoyés successivement trouvent plus facilement à se placer que si tous se trouvent à la fois sur le pavé.
L'intérêt des entrepreneurs à obtenir une commande ferme qui réduise de 2 années leur traité est évident puisque le nombre d'armes à faire restant le même, leur frais généraux de 2 années seraient supprimés. C'est précisément le seul intérêt qu'on passe sous silence dans la note.
On ne pourrait faire droit à cette demande qu'en lésant les autres MA qui réclament déjà pour leurs ouvriers, à moins que le corps legislatif n'accordât un crédit spécial à Tulle.
L'intérêt des ouvriers, étant donné un nombre fixe d'armes d'ici à 1875 n'est pas de les faire le plus tôt possible pour se trouver ensuite tous sans ouvrage en même temps, leur intérêt est de ne pas se faire concurrence dans leurs recherches d'ouvrages et de se placer successivement... le reste illisible
Septembre 1869
Si l'administration reconnait la nécessité absolue de supprimer la MAT, elle agira avec humanité en en prévenant dès maintenant les autorités locales afin que celles-ci se mettent en mesure d'obtenir du gouvernement quelque autre établissement public, dont le travail atténuerait s'il est possible la perturbation jetée dans un département ... par la suppression de l'industrie occupant directement ou faisant vivre les 3/4 de la population de son chef-lieu, menacée de descendre de 12 000 armes à 5 ou 6 000 par cette suppression.
Il serait de l'intérêt des ouvriers que la commande que l'administration est dans l'intention de fournir à la manufacture jusqu'au moment de la suppression, fut, de même qu'à Mutzig, condensée en une rapide... le reste illisible ! 1600 ouvriers environ à la MAT, soit presque la moitié de la population totale de la ville.
1er décembre 1869
Ministre
Dans la lettre ci-jointe Mr Lafond de St Maur, député et maire de Tulle expose qu'une vive inquiétude règne parmi les habitants de cette ville par suite de bruits émanant des bureaux du ministère de la guerre et d'après lesquels la MAT serait prochainement supprimée.
Il n'est nullement question pour le moment de la suppression de la manufacture qui a du travail à faire pour 1870 et 1871.
Suite à retranscrire...
Conservateur- Futur pilier
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Re: Les débuts du Chassepot à la manufacture de Tulle
Merci à vous pour ce document.
Henri- Membre averti
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Date d'inscription : 16/12/2017
Re: Les débuts du Chassepot à la manufacture de Tulle
Bonsoir,Conservateur a écrit:Des documents inédits... Décidément, l'histoire de l'armement français est passionnant !!
29 octobre 1866
MAT à Ministre :
J'ai reçu le 22 octobre de la MAC 1 plaque de couche, 1 embouchoir, 1 capucine, 1 battant de crosse, c'est-à-dire tous les types de la garniture pour le fusil Mle 1866.
Je me suis immédiatement occupé de l'installation de la confection de ces pièces. En ce qui concerne la plaque de couche, j'ai 3 forgeurs :
Mombazet Antoine, maitre forgeur qui habite Egletons
Jorby Pierre, compagnon forgeur qui habite Treignac
Bourdaleix Léonard, compagnon forgeur qui habite Tulle.
Ces 3 forgeurs pourraient faire 2500 plaques par mois, ce qui n'est pas encore suffisant. J'ai donc demandé aux maitres Mombazet et Jorby s'ils consentaient à venir travailler à Tulle pour apprendre à faire la nouvelle plaque, sauf à rentrer à Egletons et à Treignac quand ils seraient au courant. Ces ouvriers ont répondu affirmativement.
De retour à treignac, Mr Jorby en a parlé aux autres ouvriers ; de là, grande agitation parmi les platineurs qui sont au nombre de 52. Je reçois ce matin un rapport de Mr le contrôleur Marécaux, détaché à treignac qui me mande que les autorités locales adressent à Votre Excellence soit directement soit par l'intermédiaire d'une personne dont le nom est célèbre dans le barreau et qui est de Treignac, une pétition dans laquelle on dit que j'ai donné l'ordre à tous les platineurs de se rendre à tulle, et que je les ai menacés de les y faire contraindre par la gendarmerie s'ils n'obtemperaient pas à mes ordres. Je vous rends compte que rien n'est plus faux. Les platineurs de Treignac ont encore de l'ouvrage jusqu'au 31 décembre pour l'ancienne commande ; le moment n'est donc pas encore venu de les employer à la culasse mobile ; ce ne sera que dans le mois de janvier 1867 que j'aurai l'honneur de proposer à VE les mesures à prendre en ce qui concerne ces ouvriers, et je ne me permettrais certainement pas de prescrire à 52 hommes d'avoir à quitter, en masse, une localité, une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure.
Quant à livrer ceux qui refuseraient de se rendre à tulle aux mains de la gendarmerie, je ne peux évidemment avoir dit cela puisque les lois et réglements ne m'en donneraient pas le droit...
Signé E. L....
2 mai 1867
Ministre à Colonel inspecteur des MA
J'approuve la proposition que vous m'avez adressée le 27 de ce mois en ce qui concerne la fabrication des sabres baïonnettes à la MAT.
En conséquence, j'invite le directeur de la MAT à suspendre un contrôleur chargé de la recette des armes blanches de diriger et de surveiller cette fabrication comme cela est pratiqué pour l'arme à feu, sans toutefois s'immiscer dans les questions de prix qui, en raison de la nature du contrat passé pour la fourniture de ces armes, doit rester exclusivement dans les attributions de l'entreprise.
Je prescris au directeur de la MAC de faire expédier sur la MAT 1000 sabres baïonnettes Mle 1866
Enfin je désigne le sieur Schaffeur Joseph, compagneur monteur de sabres à la MAC pour être employé comme faisant temporairement fonctions de contrôleur à la MAT en remplacement du sieur Compain (Corupain ?) désigné par erreur dans ma dépêche du 9 avril dernier.
Ministre à directeur MAT :
L'inspecteur des MA me rend compte que la fabrication des sabres baïonnettes que l'entreprise de la MAT s'est engagée à fournir éprouve des difficultés que les entrepreneurs attribuent à l'absence de contre maitres et de chefs d'ateliers capables d'installer cette fabrication. Désirant venir en aide aux entrepreneurs et faciliter autant qu'il est possible le développement des nouvelles armes, j'ai accueilli favorablement la proposition qui m'a été faite par cet officier supérieur de faire diriger l'installation et la fabrication des sabres baïonnettes par les contrôleurs chargés de la recette des armes blanches. Je vous invite en conséquence à prescrire à ces contrôleurs de diriger et de surveiller cette fabrication...
afin de parer aux éventualités qui pourraient se présenter, je prescris au directeur de la MAC de faire expédier sur la MAT 1000 sabres baïonnettes Mle 1866.
27 avril 1867
René, Inspecteur des MA au Ministre :
Messieurs les entrepreneurs de la MAT se sont engagés par un marché approuvé à la date du 11 janvier dernier à fournir à l'Etat, pour un prix à forfait, 50 000 sabres baïonnettes pour fusils Mle 1866.
Ces messieurs viennent de me rendre compte que, malgré tout leur soin, cette fabrication n'est pas en bonne voie ; ils attribuent les embarras qu'ils rencontrent à l'absence de bons contre-maitres ou chefs d'ateliers capables d'installer cette fabrication, ils rajoutent qu'il leur est bien difficile de s'en procurer dans un pays où cette industrie est absolument inconnue, qu'ils ne peuvent songer à en faire venir des autres manufactures qui ont besoin de toutes leurs ressources et qu'en tout cas ces chefs d'ateliers auraient toujours besoin d'être dirigés surtout au début. Ils demandent donc que l'Etat veuille bien venir à leur aide en faisant diriger et surveiller l'installation et la fabrication par les contrôleurs chargés de la recette des armes.
Bien qu'en raison de la nature du marché soumissionné par l'entrepreneur de Tulle, un semblable concours ne lui soit pas dû, il me semble cependant que dans les circonstances actuelles où l'administration de la guerre doit assurer par tous les moyens en son pouvoir la fabrication des armes, il était de l'intérêt de l'Etat d'accueillir favorablement cette demande d'autant plus qu'à aucun point de vue elle ne peut présenter d'inconvénient sérieux.
A ce propos, je demande à CE la permission de lui rappeler que, par sa DM en date du 15 avril courant, elle m'a fait connaitre qu'il ne lui avait pas été possible de donner suite à ma proposition du 11 mars précédent relative aux contrôleurs provisoires en ce qui concerne le sieur Compain Auguste qui par erreur avait été désigné comme monteur de sabres. Comme il importe de remplir cette vacance, je vous propose pour l'emploi de contrôleur provisoire de l'arme blanche à Tulle le sieur Schaffner Jospeh, compagnon monteur de sabres à la MAC.
Enfin pour se prémunir contre toute éventualité et surtout contre les exigences de leurs ouvriers, MM les entrepreneurs de Tulle demandent qu'il leur soit expédié 1000 sabres baïonnettes de la MAC. Les ressources de la MAC permettant de faire face à cette demande, elle ne me parait devoir donner lieu à aucune objection.(Note en rouge, dans la marge : Les 500 premiers sont à St Etienne).
Si VE daignait accueillir favorablement ces diverses propositions, il y aurait lieu de :
1/ inviter le directeur de la MATà enjoindre aux contrôleurs chargés de la recette des armes blanches de diriger et de surveiller cette fabrication comme cela se pratique pour l'arme à feu, sans toutefois s'immiscer dans la partie administrative qui, en raison de la nature du contrat passé pour la fourniture de ces armes, doit rester exclusivement dans les attributions de l'entreprise
2/ désigner Joseph Schaffner compagnon...
4 mai 1867
MAT à Ministre
Je rends compte à VE que conformément à ses ordres du 2 mai courant, j'ai prescrit aux contrôleurs chargés de la recette de l'arme blanche de diriger et de surveiller la fabrication du sabre baïonnette, sans s'immiscer toutefois dans les questions de prix... J'ai invité Sauvage et Filliol à prendre, de leur côté, des dispositions efficaces en conséquence et à préparer les locaux nécessaires.
Une des raisons pour lesquelles cette fabrication n'est pas en bonne voie, c'est le manque d'ouvriers limeurs. Je prie VE, si elle le juge convenable, de faire diriger sur la MAT, les ouvriers des corps qui, avant leur incorporation auraient éxercé la profession de limeurs et ajusteurs. MM Sauvage et Filliol demanderaient également la rentrée à la MAT de Pierre Cueille, du 97e de Ligne, aiguiseur de baïonnettes.
1er juin 1867
Colonel René, Inspecteur des MA au Ministre
L'organisation de la fabrication de l'arme blanche à la MAT rencontre quelques difficultés tenant surtout au peu de ressources que présente cette localité en ouvriers dont la profession puisse les rendre aptes à être employés à cette fabrication entièrement nouvelle dans le pays.
Il importe de faire diriger sur la MAT des ouvriers qui, par leur profession, pourraient y être employés comme chef d'atelier pour y former des élèves et y développer les différentes branches de cette fabrication. Quelques ouvriers de bonne volonté pris à la MAC et un ouvrier militaire qui m'a été particulièrement signalé, pourraient dans les circonstances présentes, rendrent de grands services à la MAT.
Les entrepreneurs de la MAT demandent qu'il leur soit expédié 2000 sabres baïonnettes fabriqués à la MAC, cet envoi ne présenterait que des avantages car je me suis assuré que ce dernier établissement pourrait, dans le présent mois de juin, disposer de 9000 sabres baïonnettes en faveur des autres MA sans ralentir ses livraisons d'armes.
Si VE daignait accueillir favorablement ces diverses propositions, il y aurait lieu de :
1/ donner des ordres pour que le sieur Coen Jean, fusillier au 43e de L soit détaché de son corps à la MAT
2/ autoriser à se rendre à la MAT pour y travailler de leur profession les ouvriers ci après nommés :
Zaug François, Ouvrard Jean, Ouvrard Jacques, Pichereau Vincent, tous monteurs de sabres à la MAC.
3/ inviter le directeur de la MAC à faire expédier à la MAT 2000 sabres baïonnettes Mle 66.
Mesures approuvées par le Ministre.
31 mai 1867
Directeur MAT à Ministre
En réponse à la DM en date du 29 mai courant, je rends compte à VE que j'avais compté pour l'exécution de la commande au 1er avril 1868 avoir avant le mois d'avril 1867 toutes les machines nécessaires à la fabrication de 180 canons par jour, ce qui n'a pas eu lieu. D'un autre côté, l'ajustage du système exige plus de temps et de main-d'oeuvre qu'on l'avait cru, et un personnel et un personnel plus nombreux que celui qui avait été jugé nécessaire et devenu indispensable. Les MA de Mutzig, St Etienne et Chatellerault ont pu, pour suppléer à l'insuffisance de leur personnel, faire venir des grandes villes avoisinantes, Strasbourg, Lyon, ou recruter dans l'industrie de la coutellerie, des ouvriers serruriers, mécaniciens, forgeurs, limeurs ou autres, mais le pays qui nous entoure ne présente pas les mêmes avantages. La ville de Tulle et ses environs offrent si peu de ressources à cet égard qu'il faudrait nécessairement avoir recours à des étrangers.
J'ai invité les entrepreneurs à le faire, mais occupés spécialement de la mise en train de leur fabrication du sabre baïonnette, ils n'ont pas répondu encore à mon invitation.
Je vous assure que je fais les plus grands efforts pour arriver à une production satisfaisante, et je vois avec la plus grande peine que malgré ces efforts je n'ai pas encore réussi. La cause des retards est relatée dans un rapport spécial que j'ai l'honneur de soumettre à VE.
Rapport détaillé sur les dispositions prises pour arriver à l'exécution de la commande dans les délais voulus :
Fabrication du fusil Mle 1866 :
La commande date du 4 octobre 1866. L'arrivée des nombreuses machines annoncées exigeait un remaniement complet des usines. L'étude des projets, la confection du nouvel outillage, les expériences préparatoires de vitesse et d'organisation du travail ont nécessairement pris beaucoup de temps. Quant à la distribution la plus convenable pour accélérer le travail, elle a été l'objet de propositions journalières discutées en présence du sous directeur, du capitaine chargé des machines, du contrôleur principal chargé de l'arme neuve, de l'un des entrepreneurs, et les ordres ont toujours été donnés par le directeur en conformité des résultats de la discussion ; tous les moyens que lui ont suggéré son expérience de la fabrication ont été employés. Malheureusement, nous manquons encore de machines essentielles, d'un autre côté il est à regretter que dans une manufacture sujette, comme celle de Tulle, à manquer de bras, l'entreprise n'ait fait aucun effort pour se créer un personnel nombreux d'ouvriers sachant manier la lime.
Quant au rendement actuel des machines, il est inférieur, c'est vrai, à ce qu'il devait être ; cela tient à diverses causes. D'abord le retard dans l'expédition de ces machines, et ensuite les lenteurs inévitables de l'appareillage avec les moyens restreints à notre disposition, d'où résulte un défaut d'équilibre entre les produits des unes et des autres. Ainsi nous avons 22 machines à aléser les canons ; sur ce nombre, 13 seulement travaillent à l'heure qu'il est, parce qu'il faut refaire les engrenages, ces pièces en mauvaise fonte n'ont pas la moindre résistance.
Or, pour tailler de nouveaux engrenages nous n'avons que notre ancienne machine à plateau déjà fort occupée pour la fabrication des fraises. Nous n'avons pu affecter aux chambres des canons que 4 tours ce qui est bien au dessous de nos besoins. Quant aux boites nous commençons à peine à en percer quelques-unes à l'usine ; jusqu'ici donc, le perçage de ces trous à l'estomac a de beaucoup restreint le produit des limeurs. Le fraisage des chiens commence à peine et le perçage des trous en travers et du logement de la clavette se fait encore à la main ; voilà pourquoi le finissage de cette pièce est si long. Pour le cylindre, les machines à fraiser peuvent jusqu'ici produire 110 par jour mais ce qui retarde par dessus tout, c'est, par suite du retard dans le travail des machines, la lenteur considérable de l'ajustage du système. C'est là la vrai difficulté pour le moment. Lorsque nous aurons les machines qui nous manquent et que ces machines donneront des produits suffisamment rapprochés de la lime, alors seulement nous pourrons donner l'importance qui lui manque au produit de l'atelier des ajusteurs. Pour surcroît de difficultés, deux marteaux du moulin Guinier sont cassés, nous en avons demandé d'autres mais en attendant qu'ils nous soient expédiés, il serait à désirer que la MAC put nous envoyer un millier de cylindres de forge. Il faut tenir compte aussi de la difficulté de se procurer des ouvriers et surtout de bons ouvriers ; le détachement de la compagnie d'armuriers qui vient de nous arriver laisse beaucoup à désirer ; certains ouvriers n'ont jamais rien fait et pourront seulement être employés au polissage. Maintenant, quant à préciser l'époque à laquelle nous pourrons compléter la fabrication, cela n'est pas possible ; cela dépendra de la rapidité avec laquelle les machines qui nous manquent seront expédiées et de la facilité que nous trouverons à recruter notre personnel. En ce qui concerne les moyens de développement, l'atelier des limeurs est en construction, le prolongement de l'usine N°27 est en voie d'exécution et quelques ouvriers limeurs se présentent journellement. Le personnel militaire est demandé, le détachement de la compagnie d'armuriers (33 hommes) est arrivé. Nous avons commandé à Limoges 2 machines à percer pour le chien et 1 machine à finir les fentes de la boite.
Toutes les mesures sont donc prises pour le matériel ; quant au personnel, c'est une affaire de temps et l'on ne peut prévoir la date à laquelle il sera complet. On ne peut pas non plus songer à organiser un travail de nuit, car pour cela, il faut nécessairement établir des relais, et les ouvriers ne sont pas en nombre suffisant pour le travail de jour.
La fabrication du sabre baïonnette se trouve dans la situation suivante :
La forge de la lame est la partie qui laisse le moins à désirer ; la production mensuelle est actuellement de 3000 lames. On peut aiguiser et finir 1000 lames ; ce chiffre ne s'accroitra pas sensiblement d'ici à 3 mois ; les apprentis, seuls ouvriers à la disposition des entrepreneurs, ne pourront guère donner de produits avant ce délai. La fabrication mécanique du fourreau sera organisée dans une quinzaine de jours, on attend tous les jours les ouvriers spéciaux qui doivent la mettre en train ; les ouvriers limeurs sont suffisants pour l'achevage du fourreau. Le montage du sabre est la partie la plus en retard, celle qui donne le plus de mal à organiser, les ouvriers manquent complètement. Les entrepreneurs sont en voie d'organiser à Limoges un atelier pour faire la monture, on ne sait encore ce qu'il produira, mais ils ont pris des mesures pour parer à l'insuffisance de leur production qui, à partir du mois d'août, leur donneront tous les sabres baïonnettes dont nous aurons besoin.
Tulle le 31 mai 1867
Lieutenant colonel directeur de la MAT
10 juin 1867
Colonel René au Ministre, copie de ses réponses au directeur de Tulle
On a demandé à Tulle 50 000 armes pour le 1er avril 1867 ? le reste illisible.
Le rendement devait être de 180 armes par jour mais si les difficultés persistent il faudra monter à 200 armes par jour pour tenir les délais.
Le colonel explique ensuite au ministre que le rapport du directeur de la MAT ne correspond pas à ce qui était demandé et lui a répondu :
"Je dois vous exprimer le profond étonnement que j'ai ressenti à la lecture de ce rapport. Vous cherchez à expliquer le défaut de production par le manque de machines pour une fabrication de 180 armes par jour. On ne vous demande pas en ce moment 180 armes par jour ; on vous demande de produire avec les machines et le personnel que vous avez à votre disposition depuis longtemps. A quoi vous aurait servi d'avoir avant le mois d'avril toutes les machines, puisque vous ne faites pas produire celles que vous avez ?
Le 28 mars, vous m'annonciez 500 fusils pour le 1er mai et 1500 pour le 1er juin, vous ne parliez pas alors du manque de machines. Comment la question a-t-elle tout d'un coup changé de face ? Je ne peux me l'expliquer que d'une manière : c'est que l'organisation de chaque partie n'a pas été étudiée dans ses détails. C'est cette appréhension qui m'avait engagé à vous demander un rapport détaillé et celui que vous m'envoyez ne répond pas à mes questions ; il reste dans les termes vagues et je ne suis pas plus avancé qu'auparavant. Il faut sortir à tout prix de cette situation... Le retard ne peut provenir que d'un vice de direction, je ne vois pas d'autre explication plausible. Il faut donc vous hâter sérieusement et voir si vous vous sentez la force d'y remédier.
Si l'on compare les MA entre elles, sous le rapport du matériel et des machines outils, on voit que si loin en excepte St Etienne, la MAT se trouvait au 1er avril, dans une situation plus avantageuse que celle de Mutzig et sur le même pied que celle de la MAC. Tulle devrait donc être déjà en voie de produire plus qu'il ne fait. J'avais attribué le retard à quelques lenteurs irréparables de l'installation de l'outillage, et j'espère encore que c'est là une des causes dominantes ; mais dans l'état des choses, je regarde comme indispensable d'envoyer à Tulle mon adjoint, Mr le capitaine Bry, pour y suivre le détail de la fabrication dans toutes ses parties et voir, avec le directeur, où peut être ce point d'arrêt. Je prie VE de vouloir approuver cette mesure et donner des ordres en conséquences.
Paris, le 26 septembre 1869
Colonel René
Observations sur des notes remises au ministère au sujet de la MAT
On fait valoir dans ces notes qu'il y aurait humanité, si la MAT doit être supprimée à la fin du traité, à dédommager cette ville en lui accordant une manufacture des tabacs.
On demanderait que l'administration agit ainsi qu'il suit :
La commande de 1870 pour Tulle est de 35 000 armes
La commande de 1871 pour Tulle sera de 25 000 armes environ.
Les commandes postérieures dépendant des crédits budgétaires. Si l'on obteint le crédit demandé de 5 millions, Tulle aura pour sa part 1 million soit 15 000 armes environ et pour 4 ans (de 1872 à 1875) 60 000 armes, soit un total entre 1870 et 1875 de 120 000 armes. Si le crédit est ramené comme autrefois à 2 millions, Tulle aura 435 000 par an soit 1 740 000 pour 4 ans, ou 28 000 armes, ce qui donne un total de 88 000 armes.
Ainsi, le traité suivant son cours, Tulle aura, du 1er janvier 1870 au 31 décembre 1875 des commandes s'élevant au maximum à 120 000 armes et au minimum 88 000 armes.
MM Sauvage et Filliol voudraient que si l'administration fit une commande ferme de 88 000 armes au moins, livrables d'ici à la fin de 1873, ce qui, disent-ils, permettrait, après le renvoi des ouvriers militaires, de faire travailler les ouvriers de Tulle à plein bras jusqu'à cette époque...
Dans la question dont il s'agit quels sont les intérêts en prescrivant ceux de l'état, ceux des entrepreneurs, ceux des ouvriers.
L'intérêt proprement dit de l'état est nul dans cette question. Que la MAT soit fermée demain ou en 1875, les charges de l'état sont les mêmes puisque cette fermeture n'entraine évidemment pas de réduction dans les cadres des officiers et employés de l'artillerie mais quant aux embarras occasionnés à l'état par la cessation du travail ; ils sont grands pour une cessation brusque, minime, pour une cessation ménagée pendant 7 ans. J'adresserai ces jours-ci au ministre des propositions pour les mesures à prendre lors de la fermeture prochaine de Mutzig. Ces mesures seront analogues pour Tulle en 1875. Lorsqu'un cas pareil se présente voici la marche naturelle des choses.
La réduction portant en même temps sur toutes les MA, on ne peut enlever le pain aux ouvriers de St Etienne, par exemple, en jetant dans cette ville tous les ouvriers sans ouvrage de Mutzig ou de Tulle. La première mesure à prendre lorsqu'on supprime une manufacture est donc de mettre en congé tous les ouvriers sans exception, ce qui est conforme au réglement, puis en retraite tous ceux qui ont plus de 25 ans de service. On maintient en congé jusqu'à leur retraite ceux qui ont plus de 28 ans de service. Il reste à placer les ouvriers qui sont dans un de leurs 3 premiers engagements (il est de 6 ans). Pour les mauvais ouvriers, on leur laisse achever un congé leur période d'engagement et on ne le renouvelle pas. Pour les bons on les appelle au fur et à mesure des besoins dans un autre établissement, s'ils refusent de se déplacer on les raye.
C'est une grande erreur de croire, comme dans la note, que l'Etat serait obligé de transporter dans une autre MA les ouvriers engagés de Tulle qui seraient sans ouvrage. D'après le réglement, l'Etat ne doit d'ouvrage aux ouvriers engagés qu'autant qu'il y a des commandes, sinon il les met en congé temporaire. Dans cette position, l'ouvrier conserve ses droits à la retraite mais il est obligé de revenir à la manufacture à la première formation du directeur pour ... il est rayé. Or il est facile de voir qu'avec un délai de 7 ans, en supprimant à peu près les engagements dès à présent et ne renouvelant pas ceux des ouvriers médiocres, on arriverait à n'avoir plus en 1875 qu'un petit nombre d'ouvriers à placer.
La note confond les ouvriers libres avec les ouvriers engagés, l'Etat ne doit absolument rien aux premiers mais il est encore facile de voir que si les commandes décroissent d'année en année, les ouvriers renvoyés successivement trouvent plus facilement à se placer que si tous se trouvent à la fois sur le pavé.
L'intérêt des entrepreneurs à obtenir une commande ferme qui réduise de 2 années leur traité est évident puisque le nombre d'armes à faire restant le même, leur frais généraux de 2 années seraient supprimés. C'est précisément le seul intérêt qu'on passe sous silence dans la note.
On ne pourrait faire droit à cette demande qu'en lésant les autres MA qui réclament déjà pour leurs ouvriers, à moins que le corps legislatif n'accordât un crédit spécial à Tulle.
L'intérêt des ouvriers, étant donné un nombre fixe d'armes d'ici à 1875 n'est pas de les faire le plus tôt possible pour se trouver ensuite tous sans ouvrage en même temps, leur intérêt est de ne pas se faire concurrence dans leurs recherches d'ouvrages et de se placer successivement... le reste illisible
Septembre 1869
Si l'administration reconnait la nécessité absolue de supprimer la MAT, elle agira avec humanité en en prévenant dès maintenant les autorités locales afin que celles-ci se mettent en mesure d'obtenir du gouvernement quelque autre établissement public, dont le travail atténuerait s'il est possible la perturbation jetée dans un département ... par la suppression de l'industrie occupant directement ou faisant vivre les 3/4 de la population de son chef-lieu, menacée de descendre de 12 000 armes à 5 ou 6 000 par cette suppression.
Il serait de l'intérêt des ouvriers que la commande que l'administration est dans l'intention de fournir à la manufacture jusqu'au moment de la suppression, fut, de même qu'à Mutzig, condensée en une rapide... le reste illisible ! 1600 ouvriers environ à la MAT, soit presque la moitié de la population totale de la ville.
1er décembre 1869
Ministre
Dans la lettre ci-jointe Mr Lafond de St Maur, député et maire de Tulle expose qu'une vive inquiétude règne parmi les habitants de cette ville par suite de bruits émanant des bureaux du ministère de la guerre et d'après lesquels la MAT serait prochainement supprimée.
Il n'est nullement question pour le moment de la suppression de la manufacture qui a du travail à faire pour 1870 et 1871.
Suite à retranscrire...
Très très intéressant
Merci
Tico- Pilier du forum
- Nombre de messages : 2249
Age : 44
Date d'inscription : 13/12/2016
Re: Les débuts du Chassepot à la manufacture de Tulle
Quel travail, que de temps passé pour transcrire ces documents. Merci !
C'est vraiment passionnant à lire, et pas seulement pour l'aspect 'manufacture d'armes'.
Je pense à ce passage de la lettre du 29/10/66 adressée par le Directeur de la MAT à son ministre :
"... proposer à VE les mesures à prendre en ce qui concerne ces ouvriers, et je ne me permettrais certainement pas de prescrire à 52 hommes d'avoir à quitter, en masse, une localité, une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure.
Quant à livrer ceux qui refuseraient de se rendre à tulle aux mains de la gendarmerie, je ne peux évidemment avoir dit cela puisque les lois et réglements ne m'en donneraient pas le droit..."
Sans verser dans l'anachronisme : on hallucine.
Nous avons un officier supérieur qui écrit tout bonnement être prêt à "déplacer 52 personnes" de Treignac à Tulle (38 Km) ou d'Egletons à Tulle (30 Km).
Quand on connaît la géographie de la Corrèze, (J'y ai habité plusieurs années, justement dans ce secteur) c'est pas juste une promenade de santé. En 1866, un ouvrier faisait ça à pied ou au mieux à dos de mule ...
De nos jours, un déplacement de population, même juste de "52 hommes", on appelle ça une déportation.
Et le monsieur étale son courage :"une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure". Ben voyons !
La suite est délicieuse, à propos de l'éventuelle intervention de la Gendarmerie.
On comprend mieux la "popularité" du Second Empire à ce stade du régime. Tôt ou tard, il serait tombé, même sans Sedan.
Et pourtant !
Le Second Empire a été une période très injustement décriée par les différentes républiques que nous avons connu.
Mais là, il fait fort quand même, le directeur.
A bientôt.
C'est vraiment passionnant à lire, et pas seulement pour l'aspect 'manufacture d'armes'.
Je pense à ce passage de la lettre du 29/10/66 adressée par le Directeur de la MAT à son ministre :
"... proposer à VE les mesures à prendre en ce qui concerne ces ouvriers, et je ne me permettrais certainement pas de prescrire à 52 hommes d'avoir à quitter, en masse, une localité, une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure.
Quant à livrer ceux qui refuseraient de se rendre à tulle aux mains de la gendarmerie, je ne peux évidemment avoir dit cela puisque les lois et réglements ne m'en donneraient pas le droit..."
Sans verser dans l'anachronisme : on hallucine.
Nous avons un officier supérieur qui écrit tout bonnement être prêt à "déplacer 52 personnes" de Treignac à Tulle (38 Km) ou d'Egletons à Tulle (30 Km).
Quand on connaît la géographie de la Corrèze, (J'y ai habité plusieurs années, justement dans ce secteur) c'est pas juste une promenade de santé. En 1866, un ouvrier faisait ça à pied ou au mieux à dos de mule ...
De nos jours, un déplacement de population, même juste de "52 hommes", on appelle ça une déportation.
Et le monsieur étale son courage :"une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure". Ben voyons !
La suite est délicieuse, à propos de l'éventuelle intervention de la Gendarmerie.
On comprend mieux la "popularité" du Second Empire à ce stade du régime. Tôt ou tard, il serait tombé, même sans Sedan.
Et pourtant !
Le Second Empire a été une période très injustement décriée par les différentes républiques que nous avons connu.
Mais là, il fait fort quand même, le directeur.
A bientôt.
Re: Les débuts du Chassepot à la manufacture de Tulle
Merci de tes réactions !St Etienne a écrit:Quel travail, que de temps passé pour transcrire ces documents. Merci !
C'est vraiment passionnant à lire, et pas seulement pour l'aspect 'manufacture d'armes'.
Je pense à ce passage de la lettre du 29/10/66 adressée par le Directeur de la MAT à son ministre :
"... proposer à VE les mesures à prendre en ce qui concerne ces ouvriers, et je ne me permettrais certainement pas de prescrire à 52 hommes d'avoir à quitter, en masse, une localité, une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure.
Quant à livrer ceux qui refuseraient de se rendre à tulle aux mains de la gendarmerie, je ne peux évidemment avoir dit cela puisque les lois et réglements ne m'en donneraient pas le droit..."
Sans verser dans l'anachronisme : on hallucine.
Nous avons un officier supérieur qui écrit tout bonnement être prêt à "déplacer 52 personnes" de Treignac à Tulle (38 Km) ou d'Egletons à Tulle (30 Km).
Quand on connaît la géographie de la Corrèze, (J'y ai habité plusieurs années, justement dans ce secteur) c'est pas juste une promenade de santé. En 1866, un ouvrier faisait ça à pied ou au mieux à dos de mule ...
De nos jours, un déplacement de population, même juste de "52 hommes", on appelle ça une déportation.
Et le monsieur étale son courage :"une telle mesure ne se prend pas sans l'ordre de l'autorité supérieure". Ben voyons !
La suite est délicieuse, à propos de l'éventuelle intervention de la Gendarmerie.
On comprend mieux la "popularité" du Second Empire à ce stade du régime. Tôt ou tard, il serait tombé, même sans Sedan.
Et pourtant !
Le Second Empire a été une période très injustement décriée par les différentes républiques que nous avons connu.
Mais là, il fait fort quand même, le directeur.
A bientôt.
Conservateur- Futur pilier
- Nombre de messages : 773
Age : 50
Date d'inscription : 05/01/2015
Re: Les débuts du Chassepot à la manufacture de Tulle
Ben, j'avais lu ce passage et il me semblait justement que le Directeur indiquait clairement qu'il ne pouvait pas faire ça.
Quant à "déplacer" des ouvriers, de nos jours on n'hésite pas et il ne s'agit plus de 30 km, qui à l'époque ne faisaient pas une grosse étape (on en parcourait autant voire plus, en traînant une carriole, pour aller vendre les produits de la ferme au marché du chef-lieu).
Quant à "déplacer" des ouvriers, de nos jours on n'hésite pas et il ne s'agit plus de 30 km, qui à l'époque ne faisaient pas une grosse étape (on en parcourait autant voire plus, en traînant une carriole, pour aller vendre les produits de la ferme au marché du chef-lieu).
Petite collection de documents anciens et récents : http://p.lacour.malvaux.free.fr/Arquebuses.htm
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