Comment faisaient-ils... ?
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Comment faisaient-ils... ?
Bonsoir,
Je vous soumet une question très générale qui me taraude depuis longtemps et qui peine à trouver une réponse :
Comment les armes étaient-elles fabriquées à l'époque ?
Pour l'époque justement, disons fin XIXe avec l'apparition des armes qui deviendront emblématiques de la WW1.
Bien entendu, je me doute bien que les fabricants utilisaient des tours et des fraiseuses mais quels étaient les bruts ? Comment travaillaient-ils ? Quels étaient les contrôles ?
Prenons un boitier de Lebel ou un corps de culasse de G98, combien d'étapes fallait-il pour les réaliser ? Avec quels outils car il n'y avait pas que du tournage/fraisage ?
Aujourd'hui, on me donnerait une pièce comme le corps de culasse du G98 pour reprendre l'exemple, je ne saurais pas par quel bout commencer avec un machine à commande numérique J'exagère peut-être légèrement mais je suis tout de même admiratif du travail réalisé à l'époque d'où cette question.
Vaste sujet...
J'espère que certains membres sauront m'en dire plus
Je vous soumet une question très générale qui me taraude depuis longtemps et qui peine à trouver une réponse :
Comment les armes étaient-elles fabriquées à l'époque ?
Pour l'époque justement, disons fin XIXe avec l'apparition des armes qui deviendront emblématiques de la WW1.
Bien entendu, je me doute bien que les fabricants utilisaient des tours et des fraiseuses mais quels étaient les bruts ? Comment travaillaient-ils ? Quels étaient les contrôles ?
Prenons un boitier de Lebel ou un corps de culasse de G98, combien d'étapes fallait-il pour les réaliser ? Avec quels outils car il n'y avait pas que du tournage/fraisage ?
Aujourd'hui, on me donnerait une pièce comme le corps de culasse du G98 pour reprendre l'exemple, je ne saurais pas par quel bout commencer avec un machine à commande numérique J'exagère peut-être légèrement mais je suis tout de même admiratif du travail réalisé à l'époque d'où cette question.
Vaste sujet...
J'espère que certains membres sauront m'en dire plus
Scaramanga- Membre
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Date d'inscription : 16/01/2016
Re: Comment faisaient-ils... ?
Il existait des tables de construction (usinage, traitement thermique, etc.) et des nomenclatures détaillées, définies pour chaque pièce.
En gros le travail actuel des méthodes/optimisation process dans n'importe quelle entreprise afin d'optimiser et de définir les étapes de fabrication.
En fonction des évolutions des processus de production, on peut partir d'une pièce massive brute de forge ou d'un brut déjà optimisé. La culasse du MAC 50 était usinée complètement dans une pièce d'acier (c'est parfois moins cher de faire du copeau que d'optimiser le brut initial)
Le P06/29 suisse est un superbe exemple d'optimisation/simplification de la fabrication d'une arme (pièces et usinages).
Pour les contrôles => gabarits, vérificateurs etc. dédiés pour chaque pièce. TOMEÏ en a présenté de très beaux sur le forum
En gros le travail actuel des méthodes/optimisation process dans n'importe quelle entreprise afin d'optimiser et de définir les étapes de fabrication.
En fonction des évolutions des processus de production, on peut partir d'une pièce massive brute de forge ou d'un brut déjà optimisé. La culasse du MAC 50 était usinée complètement dans une pièce d'acier (c'est parfois moins cher de faire du copeau que d'optimiser le brut initial)
Le P06/29 suisse est un superbe exemple d'optimisation/simplification de la fabrication d'une arme (pièces et usinages).
Pour les contrôles => gabarits, vérificateurs etc. dédiés pour chaque pièce. TOMEÏ en a présenté de très beaux sur le forum
Bob- Membre expert
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Localisation : Auvergne
Date d'inscription : 25/03/2011
Re: Comment faisaient-ils... ?
On est quelques uns, sur le forum, à tenter de réunir un maximum d'informations à ce sujet.
Pour l'instant on pourrait dire, par exemple à l'époque de la production du Lebel, qu'il était fait un usage maximum des procédés sans enlèvement de copeaux : forgeage, étampage, matriçage, etc.
La plupart des usinages paraissent donc se faire sur des ébauches forgées, ce qui économise à la fois la matière et les outils de coupe.
En machines, la fraiseuse ne semble pas encore dominer car la famille des étau-limeurs (y compris raboteuses et mortaiseuses) est très utilisée : outils simples et robustes, peu coûteux.
Les aciers alliés, précurseurs de l'acier rapide, sont déjà en service.
Les grandes productions sont effectuées à la chaîne, sur une infinité de machines successives (parfois réduites à leur plus simple expression), chaque poste réalisant une seule opération.
Les tolérances serrées sont utilisées avec parcimonie (coûteuses), mais sont possibles. Vers 1860 le 1/10 n'est pas un problème ; vers 1880 le 1/100 est réalisable.
La difficulté d'avoir des instruments de mesure précis, justes et fidèles, est contournée par l'usage systématique de vérificateurs "entre-entre pas" réalisés sur mesures par un unique atelier. Lequel fabrique aussi les instruments de mesure, et les instruments de contrôle des vérificateurs (tout sortant du même atelier, s'ils sont faux il sont identiquement faux pour tout l'équipement des diverses manufactures, donc ça marche).
Chaque établissement dispose de 2 jeux de vérificateurs, l'un en service et l'autre en référence, avec un comparateur nettement plus précis que le 1/100 pour vérifier l'usure des vérificateurs en service, par rapport à ceux conservés en référence. Le comparateur est toutefois un instrument délicat, réservé aux contrôles ; le centrage des usinages au tour est réalisé à l'aide d'accessoires moins sophistiqués...
Autrement dit, c'était au moins aussi rigoureux que maintenant... L'interchangeabilité était à ce prix.
Il est certain que cette organisation s'est rodée petit à petit, et vraisemblablement pour le Chassepot Mle 1866 elle était moins parfaite que pour le Lebel Mle 1886. Avant le Chassepot, j'ai l'impression que c'était balbutiant ; l'essort ayant été donné par le développement de l'industrie américaine pendant la guerre de Secession, qui pour mieux industrialiser la production des armes industrialisa aussi la fabrication des machines-outils (les USA restèrent longtemps un des principaux fournisseurs de machines-outils).
Les petites manufactures privées, plus longues à se moderniser, firent longtemps des pièces non interchangeables ajustées manuellement. Il apparaît que, peu avant 1870 Remington ait considéré que les Ets Nagant étaient en Europe les seuls capables de produire des Rolling-Block ; l'Autriche a essayé, mais sans succès (les Ets Werndl se sont modernisés juste après).
Pour l'instant on pourrait dire, par exemple à l'époque de la production du Lebel, qu'il était fait un usage maximum des procédés sans enlèvement de copeaux : forgeage, étampage, matriçage, etc.
La plupart des usinages paraissent donc se faire sur des ébauches forgées, ce qui économise à la fois la matière et les outils de coupe.
En machines, la fraiseuse ne semble pas encore dominer car la famille des étau-limeurs (y compris raboteuses et mortaiseuses) est très utilisée : outils simples et robustes, peu coûteux.
Les aciers alliés, précurseurs de l'acier rapide, sont déjà en service.
Les grandes productions sont effectuées à la chaîne, sur une infinité de machines successives (parfois réduites à leur plus simple expression), chaque poste réalisant une seule opération.
Les tolérances serrées sont utilisées avec parcimonie (coûteuses), mais sont possibles. Vers 1860 le 1/10 n'est pas un problème ; vers 1880 le 1/100 est réalisable.
La difficulté d'avoir des instruments de mesure précis, justes et fidèles, est contournée par l'usage systématique de vérificateurs "entre-entre pas" réalisés sur mesures par un unique atelier. Lequel fabrique aussi les instruments de mesure, et les instruments de contrôle des vérificateurs (tout sortant du même atelier, s'ils sont faux il sont identiquement faux pour tout l'équipement des diverses manufactures, donc ça marche).
Chaque établissement dispose de 2 jeux de vérificateurs, l'un en service et l'autre en référence, avec un comparateur nettement plus précis que le 1/100 pour vérifier l'usure des vérificateurs en service, par rapport à ceux conservés en référence. Le comparateur est toutefois un instrument délicat, réservé aux contrôles ; le centrage des usinages au tour est réalisé à l'aide d'accessoires moins sophistiqués...
Autrement dit, c'était au moins aussi rigoureux que maintenant... L'interchangeabilité était à ce prix.
Il est certain que cette organisation s'est rodée petit à petit, et vraisemblablement pour le Chassepot Mle 1866 elle était moins parfaite que pour le Lebel Mle 1886. Avant le Chassepot, j'ai l'impression que c'était balbutiant ; l'essort ayant été donné par le développement de l'industrie américaine pendant la guerre de Secession, qui pour mieux industrialiser la production des armes industrialisa aussi la fabrication des machines-outils (les USA restèrent longtemps un des principaux fournisseurs de machines-outils).
Les petites manufactures privées, plus longues à se moderniser, firent longtemps des pièces non interchangeables ajustées manuellement. Il apparaît que, peu avant 1870 Remington ait considéré que les Ets Nagant étaient en Europe les seuls capables de produire des Rolling-Block ; l'Autriche a essayé, mais sans succès (les Ets Werndl se sont modernisés juste après).
Re: Comment faisaient-ils... ?
J'ai lu quelque part que le Gras 1874 était le 1er fusil a être totalement industrialisé à l'aide de machines outils américaines.
Ce qui ne devait donc pas être le cas pour le chassepot. D'ailleurs, j'ai deux Gras avec boitiers de culasse 1866 et les culasses ne sont pas interchangeables.
Tout le monde sait également que les pièces du 1873 ne sont pas interchangeables, même pour les modèles fabriqués à la fin.
Ce qui ne devait donc pas être le cas pour le chassepot. D'ailleurs, j'ai deux Gras avec boitiers de culasse 1866 et les culasses ne sont pas interchangeables.
Tout le monde sait également que les pièces du 1873 ne sont pas interchangeables, même pour les modèles fabriqués à la fin.
LP- Pilier du forum
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Re: Comment faisaient-ils... ?
Je ne sais pas pour le Lebel, mais j'ai en PDF un vieux livre US détaillant les différentes phases de réalisation du fusil US 1903 avec les plans cotés (cotes difficilement lisibles en pdf) et les différentes phases d'usinage avec montages spécifiques).
Si cela intéresse quelqu'un qu'il me fasse signe.
Bon tirs
lolo13
Si cela intéresse quelqu'un qu'il me fasse signe.
Bon tirs
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lolo13- Membre confirmé
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Re: Comment faisaient-ils... ?
Merci pour vos réponses !
@Verchère : ces explications sont très intéressantes. C'est en tout point ce que je recherche. Avez-vous des documents de référence ? Je n'avais pas pensé aux étaux limeurs effectivement ça tombe sous le sens une fois énoncé. Encore mille questions me viennent le sujet est tellement important...
@Lolo13 : Oui je suis intéressé
@Verchère : ces explications sont très intéressantes. C'est en tout point ce que je recherche. Avez-vous des documents de référence ? Je n'avais pas pensé aux étaux limeurs effectivement ça tombe sous le sens une fois énoncé. Encore mille questions me viennent le sujet est tellement important...
@Lolo13 : Oui je suis intéressé
Scaramanga- Membre
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Re: Comment faisaient-ils... ?
Je profite de ce sujet pour poser une question que je me pose souvent : comment étaient obtenues les rayures du canon? Martelage?
"Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose que l'on veut défendre" Cardinal de Retz
mercure- Membre confirmé
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Re: Comment faisaient-ils... ?
Si on peux en croire le dernier bouquin sur le Lebel ,la réalisation d'une arme complète demande 33 heures de main-d'oeuvre ...
Dont 7h57 pour la boite de culasse (la piéce la plus longue à réaliser avec le mécanisme 6h32) ,5h42 pour la culasse en elle même et 2h50 pour le canon ...
Pas simple quand même visiblement .
Si ça peux donner une idée .
@+
Dont 7h57 pour la boite de culasse (la piéce la plus longue à réaliser avec le mécanisme 6h32) ,5h42 pour la culasse en elle même et 2h50 pour le canon ...
Pas simple quand même visiblement .
Si ça peux donner une idée .
@+
Ce qui doit se faire se fait ,ce qui ne se fait pas ne devait pas se faire .....:pirat:
"Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler , les politiciens ont ,eux, les moyens de vous faire taire " Coluche ...
Solitaire du 57- Pilier du forum
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Re: Comment faisaient-ils... ?
Interessante cette précision ! Il n'est rien dit de plus concernant le mode d'obtention des pièces ?
Scaramanga- Membre
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Date d'inscription : 16/01/2016
Re: Comment faisaient-ils... ?
Tous les procédés décrit par Verchére ,forgeage et étampage au départ pour la plupart des piéces puis l'usinage "classique" (rabotage ,tournage ,perçage ,alésage taraudage ,mortaisage ,découpage , fraisage ....) plus trempe ,bronzage etc ...
@+
@+
Ce qui doit se faire se fait ,ce qui ne se fait pas ne devait pas se faire .....:pirat:
"Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler , les politiciens ont ,eux, les moyens de vous faire taire " Coluche ...
Solitaire du 57- Pilier du forum
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Age : 58
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Date d'inscription : 17/11/2013
Re: Comment faisaient-ils... ?
Verchère avait récemment rappelé dans un sujet assez voisin que la qualité et la précision du travail des métaux ne date pas du XXème siècle et avait donné l'exemple de l'horlogerie...
L'informatique, la robotique et la camelote chinoise nous font oublier qu'avant nous, ils savaient déjà, peut-être mieux que nous aujourd'hui
Montre fin XVIIème siècle
L'informatique, la robotique et la camelote chinoise nous font oublier qu'avant nous, ils savaient déjà, peut-être mieux que nous aujourd'hui
Montre fin XVIIème siècle
"Laudamus veteres sed nostris utimur annis "
Baccardi- Administrateur
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Localisation : Canton de l'Ours
Date d'inscription : 20/01/2012
Re: Comment faisaient-ils... ?
Effectivement, 7h57 la boîte de culasse paraît simple à première vue mais quand on regarde de près, elle est pleine de côtes à respecter. Les tolérances ne sont pas précisées sur chaque table, elles étaient définies en global pour certains types de pièces/usinages/dimensions/etc. comme avec les normes actuelles sur certaines pièces (les vis par exemple). A l'époque 100% des pièces produites étaient contrôlées par les contrôleurs avec les outils cités par Verchère .... ca ne rigolait pas tropSolitaire du 57 a écrit:Si on peux en croire le dernier bouquin sur le Lebel ,la réalisation d'une arme complète demande 33 heures de main-d'oeuvre ...
Dont 7h57 pour la boite de culasse (la piéce la plus longue à réaliser avec le mécanisme 6h32) ,5h42 pour la culasse en elle même et 2h50 pour le canon ...
Pas simple quand même visiblement .
Si ça peux donner une idée .
@+
Toutes ces côtes sont dans les tables de construction du Lebel
Dans le livre de Jean Huon sur le fusil Lebel dont parle Solitaire du 57, chapitre 4 des pages 94 à 110 il y a le détail des étapes/opérations/matériels disponibles à l'époque pour produire chaque pièce du Lebel => environ 20 grandes étapes pour la seule boîte de culasse (du forgeage de l'ébauche au bronzage final). Par respect pour l'auteur, on ne peut pas forcément reproduire l'ensemble du livre. Si le sujet, vous intéresse, il faut peut-être envisager l'achat de ce livre.
Bob- Membre expert
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Localisation : Auvergne
Date d'inscription : 25/03/2011
Re: Comment faisaient-ils... ?
A chaque fois ils disaient "les pièces de la nouvelle arme devront être interchangeables", et ce depuis Gribeauval. Mais la concrétisation s'avérait difficile, et au dernier moment il fallait larguer du lest ; par exemple, dans l'artillerie Gribeauval on peut compter sur l'interchangeabilité des tubes sur les affûts, et des roues entre les affûts. Mais pour les petites pièces faut pas top rêver (chaque batterie d'artillerie promenait sur un chariot un petit atelier de mécanique, pourvu d'une forge).
Pour le Chassepot on avait dit "désormais la fabrication sera totalement mécanisée", mais comme on l'a redit pour le Gras puis pour le Lebel, c'est assurément qu'on n'y était pas arrivé.
Le revolver Mle 1873 relève peut-être d'un cas différent : l'interchangeabilité est utile pour les dépannages rapides sur le terrain, mais il augmente nettement le prix de revient, à une époque où tous les "ouvriers en fer" sont formés à l'ajustage manuel. Il se peut qu'on ait considéré que le dépannage des revolvers sur le terrain n'était pas une priorité, s'agissant d'une arme secondaire.
Les rayures du canon de Lebel étaient obtenues par enlèvement de copeau (voir bouquin de J. Huon) ; je ne sais pas de quand date le martelage, années 30 ou même généralisation années 50 ?
Pour les canons anciens on parle parfois de martelage, mais cette opération fait partie du forgeage de l'ébauche, avant forage.
Le forage est en réalité une opération délicate. Il semble que pour les premiers Lebel on procédait comme par le passé, en forant moitié par les 2 bouts, et qu'on soit ensuite passé au forage par un bout, après expérimentations en manufacture durant la fabrication.
Le forage par les 2 bouts donnait généralement un léger désalignement au point de rencontre, qu'on rattrapait en contre-coudant le tube à cet endroit. Ça prenait un peu de temps et affaiblissait un peu ce point, mais à mi-tube le canon n'est pas soumis aux pressions maximales (son diamètre est surtout imposé pour la résistance aux efforts du terrain, bayonnette en particulier).
Le forage par un bout sollicitait beaucoup plus l'outillage, le temps perdu durant les dégagements pour évacuer les copeaux augmentait nettement ; sa supériorité n'était donc pas flagrante au début.
Je tiens ces informations d'un cours de métallurgie militaire de 1886 que j'ai en version papier, mais il développe beaucoup plus la fabrication des pièces d'artillerie (on y apprend entre autres que les interruptions de filetage dans les écrous de culasse étaient faits à l'étau-limeur).
La BNF propose un cours plus récent (vers 1910) sous forme PDF, mais durant ces 25 ans la métallurgie avait pas mal évolué.
Un document de grand intérêt est un "Mémoire sur la fabrication du canon, boîte de culasse et hausse, du fusil Mle 1886", par le Cne L'hommunal, de Châtellerault, disponible en (lourd) PDF. Je ne l'ai encore que survolé, et prévois de le placer sur un site internet en libre accès avec d'autres documents techniques concernant les Lebel et Berthier, du moins s'il n'y a pas d'oppositions légales.
Le problème de ces documents, est que pour bien les comprendre il faut connaître les procédés d'usinage anciens et leur vocabulaire.
Pour le Chassepot on avait dit "désormais la fabrication sera totalement mécanisée", mais comme on l'a redit pour le Gras puis pour le Lebel, c'est assurément qu'on n'y était pas arrivé.
Le revolver Mle 1873 relève peut-être d'un cas différent : l'interchangeabilité est utile pour les dépannages rapides sur le terrain, mais il augmente nettement le prix de revient, à une époque où tous les "ouvriers en fer" sont formés à l'ajustage manuel. Il se peut qu'on ait considéré que le dépannage des revolvers sur le terrain n'était pas une priorité, s'agissant d'une arme secondaire.
Les rayures du canon de Lebel étaient obtenues par enlèvement de copeau (voir bouquin de J. Huon) ; je ne sais pas de quand date le martelage, années 30 ou même généralisation années 50 ?
Pour les canons anciens on parle parfois de martelage, mais cette opération fait partie du forgeage de l'ébauche, avant forage.
Le forage est en réalité une opération délicate. Il semble que pour les premiers Lebel on procédait comme par le passé, en forant moitié par les 2 bouts, et qu'on soit ensuite passé au forage par un bout, après expérimentations en manufacture durant la fabrication.
Le forage par les 2 bouts donnait généralement un léger désalignement au point de rencontre, qu'on rattrapait en contre-coudant le tube à cet endroit. Ça prenait un peu de temps et affaiblissait un peu ce point, mais à mi-tube le canon n'est pas soumis aux pressions maximales (son diamètre est surtout imposé pour la résistance aux efforts du terrain, bayonnette en particulier).
Le forage par un bout sollicitait beaucoup plus l'outillage, le temps perdu durant les dégagements pour évacuer les copeaux augmentait nettement ; sa supériorité n'était donc pas flagrante au début.
Je tiens ces informations d'un cours de métallurgie militaire de 1886 que j'ai en version papier, mais il développe beaucoup plus la fabrication des pièces d'artillerie (on y apprend entre autres que les interruptions de filetage dans les écrous de culasse étaient faits à l'étau-limeur).
La BNF propose un cours plus récent (vers 1910) sous forme PDF, mais durant ces 25 ans la métallurgie avait pas mal évolué.
Un document de grand intérêt est un "Mémoire sur la fabrication du canon, boîte de culasse et hausse, du fusil Mle 1886", par le Cne L'hommunal, de Châtellerault, disponible en (lourd) PDF. Je ne l'ai encore que survolé, et prévois de le placer sur un site internet en libre accès avec d'autres documents techniques concernant les Lebel et Berthier, du moins s'il n'y a pas d'oppositions légales.
Le problème de ces documents, est que pour bien les comprendre il faut connaître les procédés d'usinage anciens et leur vocabulaire.
Re: Comment faisaient-ils... ?
Je suis toujours admiratif de la finition du mécanisme du 73 et des ses revolvers contemporains fabriqués à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires !
"Ein Volk, das keine Waffen tragen will, wird Ketten tragen!" Ernst Jünger 1895-1998
Législation armes -LIEN ACTIF-
ONCLEBOB- Futur pilier
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Age : 56
Localisation : Alsace
Date d'inscription : 01/04/2013
Re: Comment faisaient-ils... ?
Ces informations sont particulièrement intéressantes pour qui se sent plus ou moins mécanicien et usineur.
Pour m'en tenir à ce court extrait, il me rappelle de vieux souvenirs, un peu estompés ce que je regrette:
"Je tiens ces informations d'un cours de métallurgie militaire de 1886 que j'ai en version papier, mais il développe beaucoup plus la fabrication des pièces d'artillerie (on y apprend entre autres que les interruptions de filetage dans les écrous de culasse étaient faits à l'étau-limeur).
Je revois, dans la chambre de tir d'une tourelle de 380 du Jean Bart en 1949, la monstrueuse culasse à volet articulé en point haut et portant l'obturateur rotatif avec ses trois rangées de filetages interrompus ( diamètre du plus petit supérieur à 450 mm, on entrait quasiment dans la chambre à poudre). Ces filets de plusieurs centimètres de haut m'avaient fortement impressioné.
Bien plus, beaucoup plus modestement, il y a une vingtaine d'années je m'étais amusé à une réalisation de ce genre - mais à un seul étage - pour une crosse amovible à démontage rapide; voici ce que cela donnait, le dégagement des filets mâles et femelle a été fait par rabotage mais sur un tour, pièce en mandrin avec outil monté en tourelle et déplacé avec le traînard; du bricolage quoi.
Pour m'en tenir à ce court extrait, il me rappelle de vieux souvenirs, un peu estompés ce que je regrette:
"Je tiens ces informations d'un cours de métallurgie militaire de 1886 que j'ai en version papier, mais il développe beaucoup plus la fabrication des pièces d'artillerie (on y apprend entre autres que les interruptions de filetage dans les écrous de culasse étaient faits à l'étau-limeur).
Je revois, dans la chambre de tir d'une tourelle de 380 du Jean Bart en 1949, la monstrueuse culasse à volet articulé en point haut et portant l'obturateur rotatif avec ses trois rangées de filetages interrompus ( diamètre du plus petit supérieur à 450 mm, on entrait quasiment dans la chambre à poudre). Ces filets de plusieurs centimètres de haut m'avaient fortement impressioné.
Bien plus, beaucoup plus modestement, il y a une vingtaine d'années je m'étais amusé à une réalisation de ce genre - mais à un seul étage - pour une crosse amovible à démontage rapide; voici ce que cela donnait, le dégagement des filets mâles et femelle a été fait par rabotage mais sur un tour, pièce en mandrin avec outil monté en tourelle et déplacé avec le traînard; du bricolage quoi.
BRX (†)- Membre confirmé
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Date d'inscription : 23/11/2013
Re: Comment faisaient-ils... ?
Merci pour ces nouvelles précisions et pour les références bibliographiques, le livre de Jean Huon était déjà sur ma liste d'ouvrage à acquérir, tant mieux si ce livre développe le processus de fabrication.
Je suis également intéressé par le livre en .pdf "Mémoire sur la fabrication du canon, boîte de culasse et hausse, du fusil Mle 1886", par le Cne L'hommunal, de Châtellerault" s'il est possible de le mettre en ligne se sera très intéressant.
En ce qui concerne l'horlogerie, on peut faire un rapprochement succinct avec l'armement tout en gardant à l'esprit que les temps de fabrication et les conditions n'étaient pas les même. Il n'empêche que les horlogers ont contribué grandement à faire avancer la mécanique et a fortiori la micromécanique.
Comme le dit BRX, ce sujet est particulièrement intéressant pour qui aime l'usinage et la mécanique. Je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un profane en la matière mais je suis plus familier avec le flot des commandes numériques et autres imprimantes 3D et il est assez difficile de trouver des informations sur les anciennes techniques d'usinage au fur et à mesure que les anciens usineurs disparaissent..
Je suis également intéressé par le livre en .pdf "Mémoire sur la fabrication du canon, boîte de culasse et hausse, du fusil Mle 1886", par le Cne L'hommunal, de Châtellerault" s'il est possible de le mettre en ligne se sera très intéressant.
En ce qui concerne l'horlogerie, on peut faire un rapprochement succinct avec l'armement tout en gardant à l'esprit que les temps de fabrication et les conditions n'étaient pas les même. Il n'empêche que les horlogers ont contribué grandement à faire avancer la mécanique et a fortiori la micromécanique.
Comme le dit BRX, ce sujet est particulièrement intéressant pour qui aime l'usinage et la mécanique. Je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un profane en la matière mais je suis plus familier avec le flot des commandes numériques et autres imprimantes 3D et il est assez difficile de trouver des informations sur les anciennes techniques d'usinage au fur et à mesure que les anciens usineurs disparaissent..
Scaramanga- Membre
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Date d'inscription : 16/01/2016
Re: Comment faisaient-ils... ?
Verchère a écrit:
Les rayures du canon de Lebel étaient obtenues par enlèvement de copeau (voir bouquin de J. Huon) ; je ne sais pas de quand date le martelage, années 30 ou même généralisation années 50 ?
La première machine à forger les canons à froid a été fabriquée à Erfurt en 1939 pour fabriquer des canons de MG 42, alors en développement : on prévoyait qu'avec la cadence de tir de la MG 42, il faudrait beaucoup plus de canons que les techniques classiques permettaient de produire économiquement.
Les machines ont été récupérées par les Alliés en 1945, mais le procédé n'a été utilisé au départ qu'en Europe, dans le cadre du rééquipement de l'industrie dévastée.
Aux USA, un énorme parc de machines de rayure par olivage avait été mis en place pour la guerre et le procédé n'a été adopté qu'à partie des années 1990...
Le leader européen de la fabrication des machines est GFM en Autriche, mais le procédé est maintenant largement utilisé en Automobile et Aéronautique pour fabriquer des arbres.
A 2 ou 3 M€ la machine, pas une machine pour artisans.... Accessoirement, une des machines les plus bruyantes que je connaisse !
Fra78- Pilier du forum
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Re: Comment faisaient-ils... ?
En somme c'est un peu comme du brochage pour rayer un canon non ?
Scaramanga- Membre
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Date d'inscription : 16/01/2016
Re: Comment faisaient-ils... ?
L'olivage oui, la forge à froid est complètement différente : on fait une forme en carbure de tungstène de l'intérieur du canon, rayures et même chambre (SIG FAss 90 par exemple). Une ébauche tubulaire est enfilée autour et une série de marteaux viennent former le métal pour le contraindre à prendre la forme du modèle (en s'allongeant d'ailleurs de 30 ou 40 %). L'état de surface est parfait et la structure cristalline excellente, ce qui améliore la durée de vie. Pas besoin de polissage en log. Le gain en qualité et en prix est remarquable.
Steyr-Mannlicher laisse le canon brut de martelage, ce qui donne un aspect en hélice à l'extérieur du canon :
La machine :
Steyr-Mannlicher laisse le canon brut de martelage, ce qui donne un aspect en hélice à l'extérieur du canon :
La machine :
Fra78- Pilier du forum
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Re: Comment faisaient-ils... ?
Verchère a écrit:
Le revolver Mle 1873 relève peut-être d'un cas différent : l'interchangeabilité est utile pour les dépannages rapides sur le terrain, mais il augmente nettement le prix de revient, à une époque où tous les "ouvriers en fer" sont formés à l'ajustage manuel.
Le revolver 1873 devait pouvoir être réparé par un simple maréchal ferrant. C'est vrai que la simplicité de sa platine permet de faire beaucoup de choses avec une scie et une lime.
LP- Pilier du forum
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Re: Comment faisaient-ils... ?
Relativement à la fabrication des canons, il faut prendre garde aux termes utilisés, qui ont pu varier dans le temps.
Par exemple, le martelage désigne sans conteste une action externe resserrant un tube initialement trop gros autour d'un mandrin pré-rayé.
L'olivage je ne connais pas, à moins que ce ne soit l'ancien mandrinage : on force un mandrin (éventuellement rayé en relief) à l'intérieur d'un tube initialement trop petit. C'est donc pour ainsi dire l'inverse du martelage.
L'enlèvement de copeau est très différent. Il demande moins de puissance, mais coupe les fibres du métal, qui est donc moins résistant qu'après martelage ou mandrinage. Généralement l'outil n'a qu'une seule arête de coupe et travaille en plusieurs passes ; mais parfois plusieurs outils creusent simultanément plusieurs rayures.
Le brochage est un procédé très particulier : chaque outil comporte plusieurs dents successives, de plus en plus hautes, et le creux entre les dents est calculé pour recevoir le volume de copeau taillé par chaque dent. Le travail se fait à priori en une passe. Pour des rayures hélicoïdales il faut une broche hélicoïdale ! Pas simple à réaliser ! C'est pourquoi la technique était peu utilisée (si je me souviens bien, le cours de 1886 précise que seul le Canon Revolver de 40 mm Mle 1879 était rayé ainsi).
Par exemple, le martelage désigne sans conteste une action externe resserrant un tube initialement trop gros autour d'un mandrin pré-rayé.
L'olivage je ne connais pas, à moins que ce ne soit l'ancien mandrinage : on force un mandrin (éventuellement rayé en relief) à l'intérieur d'un tube initialement trop petit. C'est donc pour ainsi dire l'inverse du martelage.
L'enlèvement de copeau est très différent. Il demande moins de puissance, mais coupe les fibres du métal, qui est donc moins résistant qu'après martelage ou mandrinage. Généralement l'outil n'a qu'une seule arête de coupe et travaille en plusieurs passes ; mais parfois plusieurs outils creusent simultanément plusieurs rayures.
Le brochage est un procédé très particulier : chaque outil comporte plusieurs dents successives, de plus en plus hautes, et le creux entre les dents est calculé pour recevoir le volume de copeau taillé par chaque dent. Le travail se fait à priori en une passe. Pour des rayures hélicoïdales il faut une broche hélicoïdale ! Pas simple à réaliser ! C'est pourquoi la technique était peu utilisée (si je me souviens bien, le cours de 1886 précise que seul le Canon Revolver de 40 mm Mle 1879 était rayé ainsi).
Re: Comment faisaient-ils... ?
Rayer un canon , vers 1840
https://www.youtube.com/watch?v=ou8nNBn5Cbs
1853
https://www.youtube.com/watch?v=L_yemjfgkE0
vers 1900
https://www.youtube.com/watch?v=A7Z9Y-OvDpY
https://www.youtube.com/watch?v=ou8nNBn5Cbs
1853
https://www.youtube.com/watch?v=L_yemjfgkE0
vers 1900
https://www.youtube.com/watch?v=A7Z9Y-OvDpY
Tourblanche- Pilier du forum
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Age : 72
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Re: Comment faisaient-ils... ?
La saga de la pièce interchangeable
http://www.larecherche.fr/savoirs/autre/amnesie-armuriers-francais-01-04-1998-87741
mais longtemps après les étaux limeurs et les fraiseuses , on fabriquait encore des révolvers
à broche et/ou des Bul-dog assemblés à la main en petites séries . Les armes de traite PN et ensuite
de panoplie étaient encore assemblées à la main en 1950-60 à Liège .
http://www.larecherche.fr/savoirs/autre/amnesie-armuriers-francais-01-04-1998-87741
mais longtemps après les étaux limeurs et les fraiseuses , on fabriquait encore des révolvers
à broche et/ou des Bul-dog assemblés à la main en petites séries . Les armes de traite PN et ensuite
de panoplie étaient encore assemblées à la main en 1950-60 à Liège .
Tourblanche- Pilier du forum
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Re: Comment faisaient-ils... ?
Le copieur a crosse
https://www.flickr.com/photos/leonandloisphotos/4924172553
https://www.flickr.com/photos/leonandloisphotos/4924172553
Tourblanche- Pilier du forum
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Date d'inscription : 16/03/2011
Re: Comment faisaient-ils... ?
Merci pour ces précisions techniques et pour ces liens !
Scaramanga- Membre
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