Arisaka Type 99... mais pas n'importe lequel !

 

Bonsoir,

Il est vrai que je ne présente pas souvent mes pièces, mais j'ai un véritable coup de cœur pour celle-ci, qui fait partie de ces variantes d'armes japonaises qu'on ne voit absolument pas par chez nous.

Il s'agit d'un... fusil Type 99 !
...
Et là, vous me direz certainement que même si ce n'est pas courant, il en passe de temps en temps. Oui, mais non ! Ces "Type 99" que l'on croise parfois sont une variante que les Japonais appellent "Fusil court Type 99", produite en masse de 1941 à 1945 à plus de 2,5 millions d'exemplaires. Le véritable "Fusil Type 99" (pas "court") est lui beaucoup plus rare, produit à seulement 38 400 unités, de l'été 1940 au printemps 1941. Cela nous fait un ratio de production d'un seul "fusil" pour 65 "fusils courts".

Revenons un peu en arrière :

À la fin du 19e siècle, la première génération des "Arisaka" voit le jour : le système Type 30. De ce système naissent deux armes : le fusil d'infanterie Type 30 et la carabine de cavalerie Type 30. Quelques années plus tard, lorsque Kijiro Nambu achèvera la conception du nouveau système Type 38, le même schéma fut reproduit : deux armes, fusil d'infanterie et carabine de cavalerie, portant toutes deux le même millésime "Type 38".

Cette logique fut conservée lors du développement des armes chambrant le nouveau calibre (7,7 x 58 mm) sur la fin des années 1930, portant à nouveau sur un fusil d'infanterie et une carabine de cavalerie, en conservant les mêmes formats que précédemment. Néanmoins, le Japon ne parvint pas à développer une arme de format "carabine" qui s'adapte convenablement à la puissance de la nouvelle munition. La longueur de l'arme fut revue à la hausse, et ainsi naquit le format "fusil court". En 1940, le Japon adopte donc à nouveau deux armes :
- Le fusil Type 99 (九九式小銃)
- Le fusil court Type 99 (九九式短小銃)

Mais bien rapidement, le Japon constate que les performances des deux armes sont sensiblement identiques. Il apparait donc inutile de produire conjointement ces deux modèles. Ainsi, le "Fusil Type 99" et son obsolète format canne à pêche furent jugés impropres au combat moderne et la production fut abandonnée au profit du seul "fusil court". Ce dernier fut donc promu du rang d'arme de cavalerie à celui d'arme universelle.

Je vous présente aujourd'hui l'un de ces rares "Fusils Type 99".

Il fait partie des 8 300 exemplaires produits par l'arsenal de Nagoya, sur son nouveau site à Toriimatsu.
Les 30 100 fusils restants sont l’œuvre du sous-traitant "Toyo Kogyo K.K." opérant pour le compte de l'arsenal de Kokura.

L'arme est complète, ce qui inclue baguette de nettoyage, bras de visée contre-avions et monopod (ces éléments étant spécifiques au modèle, différents de ceux des "fusils courts"). Le couvre-culasse n'est hélas pas au numéro du reste, c'est le seul et unique "reproche" que l'on puisse faire à cette arme***. L'état de conservation est remarquable, la crosse n'a pas subi le moindre outrage (si ce n'est quelques accrocs) et conserve son urushi d'origine, qui lui octroie de magnifiques nuances de couleurs jaune-orangées lorsqu'elle est exposée aux rayons du soleil. Le canon chromé est absolument neuf. Le chrysanthème est présent et non altéré. Aucun odieux marquage parasite.

*** Pour une raison que je ne saurais expliquer, les fusils (longs) Type 99 et les fusils Type 97 ayant conservé leur couvre-culasse "au numéro" sont rarissimes, ce qui est loin d'être exceptionnel sur les autres modèles d'armes japonaises.















Ci-dessous, une photo de comparaison entre les deux fusils Type 99.
J'essaierai prochainement de prendre le temps de faire des photos de comparaison entre le fusil (long) Type 99 et son prédécesseur direct, le fusil d'infanterie Type 38, afin d'illustrer l'évolution des armes "longues" des deux systèmes.



Pour finir, deux photos d'époque sur lesquelles le "Fusil Type 99" est en vedette :

Un Suisse Roman dirait : "ho! un mousqueton long!" 

Bon, on atteint l’exceptionnel, là!

Même si moi, ce qui m'espante le plus, c'est, l'Arisaka Caramba!

Magnifique Laurent !!

Merci pour cette présentation détaillée !

  Splendide !

Très belle pièce, bravo!

Un grand merci pour ce super sujet concernant une variante que je ne connaissais pas.

Très belle pièce

Merci beaucoup pour vos compliments.
Certains d'entre vous on peut-être déjà aperçu ce fusil dans le numéro de "Cibles" paru ce mois d'août.

J'ai oublié de préciser, dans le premier message, que cet Arisaka est "staked screws" comme disent les collectionneurs américains. C'est-à-dire que les vis sont toujours immobilisées par le coup de pointeau appliqué en usine. En d'autres termes, à l'exception de la grenadière, l'arme n'a jamais été démontée (du moins pas entièrement).
Cette caractéristique se rencontre uniquement sur les armes du système Type 99 (pas les précédentes). Certaines de leurs vis étaient "matées" après assemblage final par un coup de pointeau (ou deux, selon le fabricant).

@Pâtre : l'Arisaka "caramba" aura droit à sa présentation lui aussi...

 
Bonjour,

J'ai ressorti l'engin pour prendre quelques photos supplémentaires.

En premier lieu, quelques vues de la partie inférieure de la crosse et de ses garnitures. Les poinçons de contrôle de la crosse indiquent que cette dernière a été produite par l'usine de Chigusa, ce qui mérite l'explication suivante :

Pour schématiser, les deux principaux sites de l'arsenal de Nagoya furent les usines de Chigusa et de Toriimatsu. La première fut responsable de la production des armes du système Type 38, puis de leur reconditionnement lorsque la production cessa. L'usine de Toriimatsu fut construite tardivement (toute fin des années 30), dans le but spécifique de produire les nouvelles armes du système Type 99. Son installation pris un temps conséquent et l'usine ne fut totalement autonome qu'à partir de fin 1940, alors que la production du fusil Type 99 avait déjà commencé depuis plusieurs mois. Ainsi, certains éléments d'armes furent fabriqués en parallèle sur le site de Chigusa pour permettre à Toriimatsu d'assembler au plus tôt un maximum d'armes dans le nouveau calibre, le temps que ses infrastructures lui permettent de poursuivre la production en parfaite autonomie.









Les photos suivantes montrent cette arme aux côtés d'un fusil Type 38 de production tardive. Ces deux armes n'ont tout au plus que 6 mois d'écart, certainement moins, leur date de production datant approximativement de fin 1940, peut-être début 1941.

Cela permet de nous rendre compte que cette variante "longue" de fusil Type 99 constituait bien le successeur direct du fusil Type 38 dont il reprend les dimensions et la configuration globale. Par la même occasion, on s'aperçoit que ce Type 38 tardif, qui diffère sensiblement des productions plus anciennes, présente un nombre de "nouveautés" que l'on retrouvera sur les fusils Type 99 :
- Plaque de couche enveloppante
- Visée à œilleton
- Guidon protégé par des oreilles latérales
- Culasse intégralement bronzée

Superbes armes et aussi magnifiques photos
Toujours étonné par la somme de tes connaissances sur les pièces japonaises.