Ardesa ou Jukar ?

Sur ce dessin, extrait de l'Historique de l'Artillerie du Cne Leroy (Ecole d'artillerie 1922), on voit que le "Napoléon" Mle 1853 avait bien des sabots...



Les textes que j'ai consultés (notamment le Dictionnaire d'Artillerie de Cotty, 1832) ne parlent d'enrayage que pour la descente en terrain difficile. Avant le sabot, on utilisait une boucle de cordage ou une chaîne qui avaient pour inconvénients d'endommager les rayons (rappel : l'étymologie d'enrayage, c'est bloquer par les rayons !).

voilà qui est très intéressant ! Merci.

La fourniture d'1 seul "sabot" par ARDESA ne serait donc pas une simple "économie" mais collerait possiblement à la pratique de l'époque...ou à ce que l'on croit en savoir de nos jours.


Ce qui est sûr, c'est que pour le tir "en stand" pratiqué avec la réplique, c'est "mieux" d'avoir 2 "cales" pour limiter le mouvent de la pièce  

Pourquoi limiter le mouvement de la pièce ? Pour faire vrai, faut que ça recule !

Quand les forts ont perçu les 120 L et 155 L De Bange, il a fallu rallonger certaines plate-formes initialement construites pour des affûts de place Mle 1847 ou dérivés, car les nouvelles pièces reculaient trop et risquaient de tomber dans la rue du rempart située derrière...
En matériels plus modestes, le 80 de montagne De Bange pouvait reculer jusqu'à 10 mètres ; et avant qu'on ne le dote d'une rallonge de crosse, il avait une fâcheuse tendance au saut-périlleux en arrière !

J'ai regardé un peu le problème et notamment les manuels d'époque Guerre de Sécession.
En fait le Napoleon US était équipé d'une seule chaîne d'enrayage, située à droite et à utiliser comme frein de stationnement ou dans les descentes.
Elle était placée sur le côté droit de l'affut, comme on le voit sur cette photo d'époque :



En utilisation (pièce de musée :



Pas trouvé de mention de sabot (chock) dans ces textes.

Fra78 a écrit:J'ai regardé un peu le problème et notamment les manuels d'époque Guerre de Sécession.

On notera le crottin de cheval quasiment aux pieds du soldat. J’habite une ville avec beaucoup de chevaux, j’ai donc l’habitude de le détecter de loin. Mon VTT n’a pas de garde-boue, ça m’évite d’en ramasser sur les vêtements. Je sais bien que c’est des herbivores, mais quand même…

J'ai enfin trouvé un truc intéressant qui répond à la question de Verchère plus haut sur la boucle de chaîne pendante.
Un inventeur canadien Norman Wiard a publié en 1863 un livret promouvant ses inventions :

Wiard’s System of Field Artillery as Improved to Meet the Requirements of Modern Service

Dans ce livre, on trouve le dessin suivant :



Il revendique l'invention d'un nouveau sabot (?) et en explique l'utilisation : le sabot, lorsqu'il devient nécessaire d'enrayer est posé devant la roue qui monte dessus et est ensuite retenu par la chaîne, calibrée à la bonne longueur.
A noter que dans son texte, il n'y a toujours qu'un seul sabot, la chaîne est liée à une barre transversale et l'extrémité côté sabot coulisse, permettant de l'utiliser indifféremment sur les deux roues.
Schéma du sabot avec la coulisse, permettant l'utiliser des deux côtés :

Pour désenrayer, la chaîne est rallongée en larguant l'attache rapide et le canon avance, libérant le sabot, qui reste lié à l'affut et peut donc être récupéré....
La manœuvre est exposée en détail pages 31 à 33....
Ceci explique pourquoi, sur beaucoup de dessins ou photos, la chaîne de la "boucle" pendante (nommée chaîne d'échappement) est visiblement plus fine que la chaîne principale, car elle ne subit aucun effort en utilisation, servant juste à retenir le sabot.

Très intéressant, la description de l'utilisation. Merci  



Et "pourquoi" empêcher le recul "comme les vrais" ?

Ben, pour éviter qu'il ne tombe de la tablette de tir...tout simplement !






"parce'qu'en vrai, que la pièce était sûrement pas au "bord" d'un "précipice" juste derrière elle , Si ?   "    

Le problème du "précipice" est longuement traité dans les manuels d'époque pour le tir sur les plateformes des remparts, de largeur réduite !

En fait, c'est beaucoup plus ancien !
Extrait de l'Aide-Mémoire à l'usage des officiers d'artillerie de 1819 :

Pas de chaîne d’enrayage, des freins. Mais bon, ça met dans l’ambiance :

https://www.youtube.com/watch?v=ywTZ5IB4O3o

 Vous noterez qu’on est obligé d’essuyer la culasse crottée avec ses jolis gants blancs.
Je crois voir de nombreuses dames. Faut dire que quand on veut des cavaliers en nombre, ce sont des cavalières.

Les canons sont des 13 pounders QF 13, (calibre 76,2 mm), adopté en 1904, l'équivalent anglais du 75 modèle 1897 français.... On n'est plus dans la même époque !

Un chose curieuse, sur cette vidéo : en général, dans les tirs simulés on "fait comme si" c'était pour de vrai. On en profite ainsi pour s'assurer que par réflexe les servants se placent au bon endroit ... c'est à dire, au minimum, hors de portée du recul des roues pour une pièce ancienne, ou du tube pour une pièce moderne dotée d'un frein intégré.

Dans ce genre de démonstration / concours y-en a une, paraissant cette fois réellement militaire, consistant en un genre de parcours du combattant ... avec des pièces attelées (dans mon souvenir c'était des pièces de la génération précédente, équivalentes de nos de Bange). C'est assez impressionnant.


On a bien avancé, pour le sabot d'enrayage !
Comme je l'ai dit plus haut, les freins apparaissent assez tard : les 80 et 90 De Bange (Mle 1877) n'en ont reçu qu'en cours de carrière, au début ils avaient 2 sabots sophistiqués, avec chaînettes latérales les alignant automatiquement sous la roue.
A noter que le principe des sabots d'enrayage s'utilise encore en travaux forestiers "de pauvres paysans arrièrés", pour freiner les "semi à bois" dans les descentes en forêt (si tu te reposes sur les freins du tracteur, tu risques de finir en portefeuille).

Jeppesen a écrit:... Et "pourquoi" empêcher le recul "comme les vrais" ?
"parce'qu'en vrai, que la pièce était sûrement pas au "bord" d'un "précipice" juste derrière elle , Si ?

Ben si !
Les parisiens peuvent se promener dans quelques forts transformés en parcs publics, et y voir des "batteries basses", derrière lesquelles passe la "rue du rempart", enfoncée de 2 ou 3 mètres afin de pouvoir y circuler à défilement. Et des "batteries hautes" édifiées sur les dessus du casernement, lequel est couvert d'une couche de plus de 2 mètres de terre (plus la hauteur des façades, mieux vaut éviter de chuter dans la cour centrale, ça fait haut !).

Une bonne partie de ces ouvrages fut construite ou modernisée juste après la guerre de 70, avant la dotation effective en 120 et 155 Longs De Bange (qui n'était pas encore achevée en 1883). Au moment de l'établissement des plans de ces fortifs, les nouvelles pièces n'étaient qu'en projet et tout était donc organisé pour les pièces en service, généralement montées sur affût de place Mle 1847 plus ou moins modernisé, où le recul était contenu sur un "grand châssis" (comme qui dirait un ensemble de 2 rails orientables sur un pivot placé à l'avant). Les plate-formes étaient aussi courtes que possible (juste de quoi passer derrière le grand châssis) afin que les coups ennemis trop longs tombent dans le contrebas situé derrière et que les éclats n'atteignent ainsi pas la pièce et ses servants.

Les 120 et 155 reculant nettement plus que les anciens 12 et 24 rayés, ou que les 138 De Reffye montés sur le même genre d'affût, cela a immédiatement posé problème et il a fallu rallonger un certain nombre de plateformes (au fort de Giromagny, celles des flancs Est et Ouest).
Cela a toutefois été assez rapidement réglé d'une autre façon, en accrochant sous l'affût un frein hydraulique Mle 1883, relié à un pivot avant analogue à celui des anciens grands châssis. Ce que vous pouvez voir sur certains films de 14-18, les espèces de chenilles enveloppant les roues et des énormes coins de retour en batterie, c'est des "Cingolis", plus récents.

La fortification n'était pas particulièrement adaptée aux pièces de campagne, qui n'y étaient utilisées qu'en pièces de complément ou de sortie. Et dans le domaine d'emploi normal de l'artillerie de campagne, le recul n'est pas un problème : y-a la place !

Un cas particulier toutefois, les casemates et les batteries des navires : là il n'y avait pas la place, et il fallait limiter le recul par des "bragues". L'affût de place Mle 1847 présentait ainsi une variante (Mle 1851) destinée au service dans les casemates ; idem pour les affûts de côte. Ces deux modèles (1847 et 1851) ont été largement utilisés (et bidouillés à outrance) durant le siège de Belfort en 1870-71.


Vous pouvez trouvez quelques illustrations simplifiées dans un vieil article, ici :
https://placour.pagesperso-orange.fr/Histoire_docs/Brianc1.pdf

Oui, oui, je connais (assez bien) ces "bastions" des anciens remparts de Paris (j'ai vu, jeune, les débuts de la construction du "périph"...qui a mis du temps, d'ailleurs, à "faire le tour", et je visite régulièrement des fortifications (de toute époque) quand l'occasion se présente !

Mais il est évident que les pièces ainsi installées sont "freinées"...pour ne pas chuter hors de leur emplacement.

Et on en revient à ta question: "pourquoi ne pas laisser le canon reculer comme les vrais" ?

Et à ma réponse: "pour qu'il ne tombe pas du haut de la "tablette de tir", tout comme ces pièces de fortifications du haut de leur emplacement de tir .

Entre temps, cela nous a permis (à moi en tous cas) d'en apprendre pas mal sur le sujet