Une histoire de Luger de 1899

Les collectionneurs bâlois en colère contre les actions de l'État pour la destruction des armes

Lors d'une vente aux enchères, un pistolet a été adjugé pour 280 000 francs, alors qu'il a failli finir à la broyeuse.
03.10.2009, 19h15

Pistolet parabellum

Par Bojan Stula
A la fin, les personnes présentes se sont levées et ont fêté le résultat qui venait d'être obtenu par une ovation de plusieurs minutes. L'ambiance de fête qui régnait lors de la 9e vente aux enchères spéciale d'armes d'ordonnance suisses à Kreuzlingen, en Thurgovie, avait une raison : un pistolet venait d'être acheté pour la somme incroyable de 280 000 francs par un enchérisseur téléphonique inconnu.

Un grand intérêt pour les remises volontaires d'armes

Bâle-Ville est le cinquième canton suisse à avoir organisé cette année une remise volontaire publique d'armes. Lors de la première action fin avril, 799 armes et plusieurs centaines de kilos de munitions ont été remis à l'arsenal de Bâle. Lors de la deuxième action en juin, 322 armes et plus de 300 kilos de munitions ont encore été collectés. Les autorités ont considéré le grand intérêt de la population comme un succès. Une grande partie des armes collectées a été broyée par l'entreprise Thommen AG de Kaiseraugst, les armes d'ordonnance remises ont été remises à la Confédération pour destruction. Selon les informations du porte-parole de la police bâloise Martin Schütz, aucune autre action de ce type n'est prévue dans le canton-ville dans un avenir proche. (bos)
« L'enchère finale m'a fait froid dans le dos », déclare un collectionneur d'armes de la région bâloise qui ne souhaite pas être nommé. Le plus piquant : le pistolet parabellum de marque Luger de 1899 qui venait d'être mis aux enchères a failli finir dans la broyeuse d'armes de l'État.
Le propriétaire précédent, âgé de 86 ans, avait encore participé au Tir fédéral en campagne en 2007 avec cette pièce d'héritage et, avant de déménager dans une maison de retraite, il avait le choix entre remettre l'arme à une action de destruction d'armes organisée par les autorités ou la présenter pour estimation à une maison de vente aux enchères. Il a opté pour cette dernière solution et, après avoir fait appel à des experts en armes, il s'est rapidement avéré que cette arme était une pièce unique de grande valeur historique.

Avec le pistolet d'essai fabriqué et signé personnellement par Georg Luger, le constructeur d'armes allemand avait participé aux essais fédéraux de pistolets de 1899. « Pour cet homme de 86 ans, c'était comme s'il avait littéralement trouvé un Stradivarius dans son grenier », explique le collectionneur d'armes bâlois, dont le budget n'avait aucune chance face à la puissance d'achat cumulée d'intéressés avides de Russie et des États-Unis.
L'enchère finale de 280 000 francs pour ce butin, encore très convoité par les soldats américains pendant la Seconde Guerre mondiale, a atteint l'un des résultats les plus élevés au monde pour un pistolet à chargement automatique.
Le commissaire-priseur Werner Kessler a profité du résultat record de sa maison pour lancer une attaque en règle contre la remise d'armes par l'Etat : « Une fois de plus, on constate que l'action de mise au rebut des armes par les autorités doit être qualifiée d'activisme aveugle. Si la rareté avait été apportée à la police, un bien culturel rare aurait été détruit ».
De nombreux collectionneurs d'armes de la région du nord-ouest de la Suisse sont d'accord. Pour certains d'entre eux, l'épine est encore bien profonde : la police bâloise a déployé un important dispositif lors de la première mise au rebut d'armes fin avril, afin d'éloigner les collectionneurs, qui espéraient réaliser une bonne affaire de dernière minute, des personnes désireuses de les remettre.

« Chaque arme est une arme de trop », avait déclaré le directeur de la sécurité bâlois Hanspeter Gass pour justifier son action, ne laissant ainsi aucune marge de manœuvre aux convoitises des collectionneurs d'armes. « Pour certaines armes, il est tout à fait acceptable qu'elles soient déchiquetées, mais cette approche indifférenciée est erronée », déclare Markus F. Rubli, l'éditeur du “Schweizer Sammler-Anzeiger”.
La mauvaise nouvelle pour tous les collectionneurs d'armes régionaux : Bâle-Campagne souhaite également organiser prochainement une telle action publique de destruction d'armes. La bonne : comme la direction de la sécurité de Bâle-Campagne a été tellement accaparée cet été par la planification de la lutte contre la pandémie de grippe porcine, l'opération de broyage prévue a été retardée.
« Il n'est pas certain qu'elle puisse encore avoir lieu cette année », explique le responsable des médias Dieter Leutwyler. Le porte-parole de la police Rolf Wirz fait remarquer que même sans action concertée, les armes et accessoires d'armes indésirables peuvent être déposés à tout moment dans n'importe quel poste de police.

Malgré les collectionneurs, la devise des autorités est que chaque arme en possession privée est une arme de trop. Pour le précédent propriétaire du pistolet Luger, âgé de 86 ans, le fait d'avoir contourné la taxe sur les armes représente toutefois une manne financière inattendue pour ses vieux jours.

Greg47 a écrit:La bêtise n'a pas de frontière.
S'il n'est pas possible d'arrêter les bienpensants, peut-être qu'une association - à l'instar de ce qui s'est passé en France - pourrait faire pression pour qu'un organisme d'Etat fasse le tri des pièces avec des connaisseurs.