Des Gewehr en 8,15X46R : le Wehrmannsgewehr (3° variante) et le très rare Einheitsgewehr

Quelques photos pour que vous passiez un bon week-end...
Le Wehrmannsgewehr a sa hausse incomplète depuis très longtemps et son drapeau de sûreté a un point rouge débile car j’ai oublié de le changer
Le guidon de précision du Einheitsgewehr n’est pas au bon numéro et il me manque le bloc monodétente. En prime, si le Wehrmannsgewehr est pur jus, le Einheits a été restauré.
Je sais, ce sont des tares inexcusables, et je m’en reprends amèrement mais je ne pense pas en retrouver d’autres de sitôt !
Rassurez-vous, je serais plus complet sur ces armes car elles valent qu’on leur consacre un peu de temps.
Wehrmannsgewehr signifie : fusil de milicien 
Einheitsgewehr signifie : fusil universel. Pour cela, on pouvait changer la détente et la visée sur cette arme à un coup. Les trois distances affichées sur les hausses sont celles du Deutsche Meisterschaft (championnat de tir allemand). La munition de 8,15X46R est très précise. Pour les connaisseurs en munitions U.S. elle équivaut à la .32-40WCF (mais non interchangeable)

Vu sur un site de vente bien connu : un gewehr 98 daté de 1911 sur la boîte de culasse, hausse toboggan, éprouvé BU (civil, donc), avec un numéro de série le datant de 1924, et chambré dans le calibre d’étude, à savoir le 8,15 X46R. Logiquement, rien ne cadre...
A priori, je dis bien a priori, il s’agirait d’une transformation due au traité de Versailles : un G98 de 1911 est rechambré en 8,15 après mise en place d’une fourrure dans l’arrière du canon. Ainsi calibrée, l’arme devient civile et subit l’épreuve civile, BU à cette époque. Le vendeur a pris le soin de préciser que l’arme est à un coup avec un fond en bois... Là, le mystère s’épaissit. 
Pas trop car mon Wehrmannsgewehr (il faut bien y revenir !) à également un fond bois. Il a été posé sur la planchette élévatrice et sa forme admet parfaitement la cartouche de 8,15. Voici cette cale transformant l’arme à répétition en arme à un coup : 
Mais ce n’est pas tout ! L’éjecteur est aussi transformé car la cartouche de 8,15 est plus courte que la 8X57. Voici une photo illustrant au mieux la modification car j’ai mis en regard un éjecteur conventionnel. Vous noterez sur celui du 8,15 l’ovalisation du trou d’axe, à la base de la pièce et qui permet un recul léger, amorti par le ressort de sa pièce de montage. D’autre part, c’est le minuscule décrochement (flèche) qui assure l’éjection.

Navré pour l’écriture sur la photo mais écrire avec le doigt sur l’écran de la tablette, ça ne me réussit pas vraiment !
Enfin, pour clore ce chapitre sur le Wehrmannsgewehr, voici son merveilleux document de détention qui a une valeur historique évidente :

Dormez paisible, monsieur l’administrateur, j’ai l’actuel bien à mon nom.
L’histoire de ce Wehrmannsgewehr vaut le coup : vers la fin de la guerre, une jeune infirmière militaire ramène d’Allemagne une arme, à la demande de son oncle, planteur en Indochine française. N’y connaissant rien en arme et passant bien après des troupes de contact avides de souvenirs divers, notre infirmière ne trouve que ce WG qu’elle ramène sans difficulté malgré sa dimension car l’ambulance, vaste véhicule, n’est jamais très loin. L’arme fait un demi tour du monde et atterrit à Saïgon où elle ne sert probablement pas car trouver du 8,15X46R là-bas est une vue de l’esprit. Mais là où l’affaire devient merveilleuse, c’est que l’oncle, retour d’Indo, rend l’arme à la nièce ! L’arme entre alors dans une très longue léthargie, mais sans dégâts (encore un miracle !). Jusqu’au moment où le filleul de la dame, l’arme ayant changé de main, me l’a cédé, rebuté par ce calibre bizarre et trop amateur de bouteilles...
Je n’en ai pas fini avec ce WG, mais promis, la suite est pour bientôt.

Bien belle arme en effet et dans un état remarquable.

Merci pour cette présentation détaillée : l'histoire du Wehrmannsgewehr voyageur est juste fantastique, et son "autorisation" de détention établie à Saigon en 1951 est un véritable trésor, dont la conservation avec l'arme est un petit miracle.

Belles armes, ayant du "vécu": c'est sympathique comme tout.

Et bien bel état ! Bravo;


Merci pour le partage  

Un forum, c’est fait pour partager le plaisir que procurent nos armes. Sans partage, la collection perd son sens.

effectivement c est très rare . magnifique mauser sa doit changer du V inverser ..

Tu commences très fort !!   Merci pour ce partage

Belle 
Comme dit,tu commences fort 

La suite!!la suite!!

obaneck a écrit:Un forum, c’est fait pour partager le plaisir que procurent nos armes. Sans partage, la collection perd son sens.

  Tout est dit !     

obaneck a écrit:Un forum, c’est fait pour partager le plaisir que procurent nos armes. Sans partage, la collection perd son sens.

Tout à fait l'esprit de TCAR.

Cette arme m'était inconnue, preuve en est que le partage permet les découvertes.

D’après les Saintes Écritures, le WG a été construit à environ 4400 exemplaires (au total des trois versions) et le Einheitsgewehr à environ 370.
Alors, c’est vrai que ce ne sont pas des armes banales mais ça ne rends pas le bon vieux 98(G ou Kar) inintéressant. J’ai craqué en voyant le superbe Kar présenté cette semaine, et même si il y en a eu près de 15 millions de fabriqués, peu importe, un 98k, c’est beau ! Et ce qui est encore plus beau, c’est l’histoire qui va lier (mais oui !) le tireur à son arme, surtout si il y a du travail de nettoyage/rénovation à y faire. Ça me rappelle mon StandartModell Karabiner (Mauser Banner, aux States) de 1934 : il était dans un état épouvantable et lentement il est revenu à la vie. Il m’a pris pas mal de temps, mais je suis arrivé à le rendre présentable en préservant son jus. Il fera l’objet d’une présentation, promis.
En tous cas, merci à tous pour vos encouragements. Quand j’aurais fini le WG, je passerai à l’EG sur lequel il y a pas mal de choses à dire aussi.
Ah, j’oubliais : j’ai changé la sûreté du WG. Elle n’a plus son gros point rouge et je vais donc pouvoir dormir paisible...


On peut aimer les armes et être sentimental !

La honte !
Je me suis trompé de photo pour la cale de bois transformant le WG en arme à un coup : j’ai posté le mauvais côté ! Voici donc le bon en auget.
Et je m’empresse de corriger une autre erreur : mon WG n’éjecte pas. Le petit bec sur l’éjecteur (fléché sur la photo) est conçu pour arrêter le recul de culasse, non pour éjecter l’étui qui est retiré à la main. Voici donc la réalité du travail de ce petit bec, comparé à une arme conventionnelle

À droite, le WG culasse ouverte : sa position correspond à l’arrière de l’auget de bois. Or le bourrelet de la munition dépassant légèrement, l’extracteur a une attaque différente de celle d’une munition à gorge. Voici une photo comparant les têtes de culasse : EG (cuvette complète et extracteur très réduit), WG (cuvette conventionnelle et extracteur modifié pour le bourrelet de la munition de 8,15X46R) et conventionnelle -de g. à d.

Un petit post express à propos des marquages sous le canon du WG et d’autres armes allemandes civiles de cette période.
On voit, outre le numéro de série et le calibre en clair (8,15X46 -Le R n’est pas mentionné) : 156,14 c’est ce qu’on appelle le numéro de chambre (gauge number, dans la littérature anglo-saxonne) puis trois nombres. Le premier, à gauche indique le diamètre d’alésage du canon, le deuxième est le diamètre à fond de rayures et le troisième est le pas de rayure, le tout exprimé en millimètres.
Le numéro de série de ce WG correspond à une fabrication de 1938.

Le WG, sa vie, ses mœurs...
Comment reconnaître un WG (gen 3) d’un G 98 classique ?
Du côté droit, pas de problème. On repère tout de suite une crosse nue et un levier d’armement coudé, puis sa mécanique entièrement bronzée (plaque de couche incluse) et enfin sa hausse. Côté gauche, c’est plus ardu. Il n’y a guère que le bronzage généralisé et la hausse. Après, on va rentrer dans les détails. La planchette élévatrice a son arrière chanfreiné qui n’empêche pas le retour en avant de la culasse avec un magasin vide, puis, c’est la culasse qui ne recule pas complètement, après, c’est le sigle Mauser (banner) à l’avant de la boîte de culasse, encore après, ce sont les marquages avec épreuves civiles et enfin, sur le côté gauche (avec évidement pour le passage du pouce), le marquage Mauser Werke AG Oberndorf A/N

Flûte, j’ai appuyé par mégarde sur le bouton envoyé...
Soyons exact, il est marqué A.N (et non A/N).
La génération 3 semble être sortie en 1938 ou bien très peu avant.
Les gen 1 et 2 s’appellent respectivement Wehrmanns-Scheiben-Büchse et la seconde Wehrmanns-Büchse. La première a seulement une fenêtre d’alimentation/éjection et la seconde a le haut entièrement dégagé et le côté gauche entier.
La production totale des Wehrmanns (les trois générations confondues), à compter de 1929 est de 4421 exemplaires

Et enfin, une ultime précision : si le gen 3 peut être à un coup (avec la cale en bois) ou à répétition classique, les deux précédentes générations sont à un coup seulement.

Nous allons passer du Wehrmannsgewehr (gen3) au Einheitsgewehr.
Traiter de ces deux armes est naturel car l’EG est une évolution du WG gen2. C’est la même boîte de culasse avec un fond faisant auget et un côté gauche complet, ouverte sur le dessus comme un G98. L’évolution est radicale car l’arme est conçue pour tirer deux matchs différents au Deutsche Meisterschaft, le championnat de tir allemand. L’un en visée ouverte, avec le guidon conventionnel mais une hausse de précision à feuillet large (pour éviter les dévers) muni d’un réglage en dérive calé sur un vernier. L’autre en visée fermée avec un dioptre à pavillon de fort diamètre, réglable en site et en dérive, avec calage sur vernier, et un guidon de précision à boule sur pied extra-fin.
Le premier match se fait avec une détente conventionnelle (qui manque, hélas !) et le second avec un bloc double détente. Pour les non-initiés au tir de précision, ce mécanisme est conçu pour obtenir un départ très, très léger : on tire à fond la détente arrière et on appuie TRÈS doucement sur la détente avant.
D’après la documentation d’époque, il existait une autre hausse, plus simple que celle photographiée. Théoriquement, elle faisait partie de l’ensemble. Tous les accessoires sont au numéro de série de l’arme mais il arrivait fréquemment qu’un élément ait été interverti avec une autre arme lors de l’expédition. Cela explique certainement mon guidon de précision numéroté 45 au lieu de 43.
La munition de 8,15 X46R, lente et en balle plomb n’était pas compatible avec le canon de 8X57 à 4 rayures pour balle chemisée rapide, aussi avons-nous affaire, là, à un tube à 6 rayures et dont le profil correspond bien à un projectile de plomb dont la vitesse maximum ne peut dépasser 550 m/s.
Je pense (mais je n’en suis pas sûr) avoir compris les abréviations frappées sur le tonnerre (BLG / Sch. H), BLG désignerait peut-être l’équivalent de Fédération régionale de tir et Sch. H serait probablement Schützen Verband Haenel, c’est-à-dire : Société de tir Haenel. Ce fabricant étant très impliqué dans le tir sportif, notamment avec les blocs à un coup de précision système Aydt. DRGM se retrouve un peu partout car cela signifie : breveté dans l’Empire allemand !
Je disais plus haut que l’EG était une évolution du WG gen 2 et c’est certainement le cas de cette arme dont le côté gauche de la boîte de culasse a vu son marquage presque effacé avant d’y percer les trous de fixation du dioptre (photo).

très beau post et belle arme