Histoire de fusils à tabatière en Périgord en 1871...
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Histoire de fusils à tabatière en Périgord en 1871...
Nous sommes au début de l'année 1871, où la situation paraît désespérante pour les armées françaises qui subissent un hiver rigoureux, un commandement souvent médiocre et un maque d'équipement criant.
C'est dans ces conditions que le 7 janvier, un marché est conclu entre la préfecture de la Dordogne et M. Edmond Doursout, négociant à Périgueux, portant sur la vente de 1400 fusil français à silex, conforme à un modèle déposé à la préfecture, au prix de 17,50 francs pièce, les armes devront être expédiées franco de port et d’emballage depuis Bordeaux, dans un délai de quatre jours.
La même journée, un accord est conclu entre le préfet et MM. Léo Neyrat, arquebusier[url=file:///C:/Users/lecture1/Desktop/DEBIDOUR Antonin.docx#_ftn1][1][/url] et M. Jules Pravis, négociant, tous deux résidant à Périgueux, pour transformer les 1400 fusils à silex commandés en fusil à tabatière au « système Neyrat », lesquel porte principalement sur le rayurage des canons et la mise en place d’une culasse à tabatière en bronze d’une conception propre à cet armurier. Les armes à silex reçues doivent être modifiées dans un délai de deux mois après leur réception, au prix de 14 francs l’unité. Neyrat et Pravis s’engagent à prendre en charge auprès de M. Doursout à Bordeaux les armées à modifier, à charge de s’assurer de la capacité des armes livrées à faire l’objet de la transformation voulue. Un modèle-type servira de référence pour juger de la qualité du travail fourni, la vérification de conformité étant assurée par un délégué nommé par le préfet, qui délivrera un certificat de conformité ouvrant droit à un payement immédiat du montant de la livraison. Les livraisons devront être faites par tranches minimales de 100 fusils, le préfet se réservant le droit de confier la transformation des armes à un autre contractant si jamais MM. Neyrat et Travis n’étaient pas en mesure d’honorer leur contrat dans les conditions voulues.
Le 20 janvier, dans un courrier adressé au fournisseur Doursout de Bordeaux, le préfet lui rappelle que, les 1400 armes n’ayant pas été remises pour le 11 janvier, il serait en droit d’annuler le contrat signé avec celui-ci. Soucieux néanmoins de « terminer cette affaire » il consent à payer à la demande du vendeur immédiatement une première livraison de 440 fusils mise à sa disposition.
Le 26 janvier 1871, jour même où est signé un armistice entre la France et l’Allemagne, 450 fusils sont acceptés et enlevés auprès de M. Doursout par les contractants Neyrat et Pravis.
Le 15 février, MM. Neyrat et Travis protestent par courrier auprès de la préfecture du fait que l’un de leurs ouvriers spécialisé appelés pour servir dans la garde nationale mobilisée n’ait pas encore été remis en position de sursis pour retourner travailler à l’atelier, ils s’inquiètent par ailleurs également de n’avoir toujours pas reçus la totalité des armes à transformer, ce qui compromet la bonne exécution du contrat. Le préfet leur répond se contenter dans l’immédiat de procéder à la transformation des 450 armes en leur possession, leur rappelant par la même occasion qu’elles doivent être livrée pour le 26 mars. Au passage, il leur signale aussi n’avoir toujours pas reçu le modèle type qui aurait dû lui être remis à l’issue de la signature du contrat.
Alors que le 26 février un traité de paix a été signé entre la France et l’Allemagne, le 22 avril, un nouveau préfet fraîchement nommé, adresse un courrier au commandant par intérim de la division, lui demandant de bien vouloir confier au chef armurier du dépôt de Périgueux l’examen du modèle type qui avait été déposé par l’armurier Neyrat comme référence pour ses futurs travaux. Le 28 avril, un rapport d’examen rédigé par les chefs armuriers des 1er et 100e de ligne et par celui du 1er bataillon de chasseurs à pied, après avoir pointé un certain nombre de défaut, conclut que « l’ensemble du travail laisse à désirer et nécessiterait de la part du chef de l’entreprise une plus grande surveillance. »
Le 12 mai 1871, Jules Pravis informe le préfet qu’il conteste les conclusions des armuriers militaires, regrettant de n’avoir pu leur faire constater la validité et la qualité des modifications apportées aux armes reçues. Constatant n’avoir toujours pas reçu les 950 fusils manquants, les contractants estiment que la non-livraison des armes, qui remet en cause le contrat signé le 7 janvier leur cause un préjudice de 13449, 95 francs, et ouvre la porte à une annulation de contrat aux dépens de la préfecture. Le 17 mai, Neyrat et Pravis qui ont bien compris l’annulation inéluctable du contrat qui se profile du fait de la cessation des hostilités, se voient refuser par le préfet une proposition d’indemnisation déposée auprès de la préfecture, jugée trop exagérée.
Le 22 mai 1871, constatation est faite sur papier timbré entre les deux parties que seuls 450 fusils ont été livrés pour modification à MM. Neyrat et Pravis, et que parmi ceux-ci seuls 94 ont été effectivement modifiés et remis au département. Le préfet, précise à cette occasion que « les événements survenus depuis la date du marché du 8 janvier dernier en rendent aujourd’hui l’exécution impossible et demain inutile pour le département » Le département voulant résilier le marché pour la quantité d’armes restant à livrer, MM. Neyrat et Pravis, qui n’ont d’autre choix, consentent à cette résiliation à la condition qu’il leur sera allouée une indemnité qui devra être fixée par des arbitres chois par les parties. » Le principe est accepté d’une résiliation de la partie portant sur la modification de 950 armes non encore livrées au contractant.
Le 14 juin 1871, le général commandant la 3e subdivision de la 14e région militaire informe le préfet de la Dordogne qu’à la demande de ce dernier il a demandé au major de la garnison de Périgueux de s’entendre avec lui pour y stocker dans l’enceinte d’une caserne de la ville 300 fusils à tabatière récemment reçus par le département, dans les but de les mettre « en sûreté ». Cette empressement à mettre ces armes sous clé est bien évidement à mettre en relation avec l’épisode de la Commune de Paris qui vient de s’achever le 28 mai précédent.
L’histoire ne dit pas si Neyrat et Pravis reçurent des indemnités à la hauteur de leurs espérances, mais elle illustre néanmoins les difficultés rencontrées par la petite industrie armurière au service de la Défense Nationale et le fait que les fusils à tabatières période que l’on trouve de nos jours dans les collections ne sont pas tous forcément contemporains de la guerre franco-prussienne de 1870-1871…
Source : dossier 7 R 1, Archives départementales de la Dordogne.
[url=file:///C:/Users/lecture1/Desktop/DEBIDOUR Antonin.docx#_ftnref1][1][/url] L’armurier Neyrat était situé rue Taillefer.
C'est dans ces conditions que le 7 janvier, un marché est conclu entre la préfecture de la Dordogne et M. Edmond Doursout, négociant à Périgueux, portant sur la vente de 1400 fusil français à silex, conforme à un modèle déposé à la préfecture, au prix de 17,50 francs pièce, les armes devront être expédiées franco de port et d’emballage depuis Bordeaux, dans un délai de quatre jours.
La même journée, un accord est conclu entre le préfet et MM. Léo Neyrat, arquebusier[url=file:///C:/Users/lecture1/Desktop/DEBIDOUR Antonin.docx#_ftn1][1][/url] et M. Jules Pravis, négociant, tous deux résidant à Périgueux, pour transformer les 1400 fusils à silex commandés en fusil à tabatière au « système Neyrat », lesquel porte principalement sur le rayurage des canons et la mise en place d’une culasse à tabatière en bronze d’une conception propre à cet armurier. Les armes à silex reçues doivent être modifiées dans un délai de deux mois après leur réception, au prix de 14 francs l’unité. Neyrat et Pravis s’engagent à prendre en charge auprès de M. Doursout à Bordeaux les armées à modifier, à charge de s’assurer de la capacité des armes livrées à faire l’objet de la transformation voulue. Un modèle-type servira de référence pour juger de la qualité du travail fourni, la vérification de conformité étant assurée par un délégué nommé par le préfet, qui délivrera un certificat de conformité ouvrant droit à un payement immédiat du montant de la livraison. Les livraisons devront être faites par tranches minimales de 100 fusils, le préfet se réservant le droit de confier la transformation des armes à un autre contractant si jamais MM. Neyrat et Travis n’étaient pas en mesure d’honorer leur contrat dans les conditions voulues.
Le 20 janvier, dans un courrier adressé au fournisseur Doursout de Bordeaux, le préfet lui rappelle que, les 1400 armes n’ayant pas été remises pour le 11 janvier, il serait en droit d’annuler le contrat signé avec celui-ci. Soucieux néanmoins de « terminer cette affaire » il consent à payer à la demande du vendeur immédiatement une première livraison de 440 fusils mise à sa disposition.
Le 26 janvier 1871, jour même où est signé un armistice entre la France et l’Allemagne, 450 fusils sont acceptés et enlevés auprès de M. Doursout par les contractants Neyrat et Pravis.
Le 15 février, MM. Neyrat et Travis protestent par courrier auprès de la préfecture du fait que l’un de leurs ouvriers spécialisé appelés pour servir dans la garde nationale mobilisée n’ait pas encore été remis en position de sursis pour retourner travailler à l’atelier, ils s’inquiètent par ailleurs également de n’avoir toujours pas reçus la totalité des armes à transformer, ce qui compromet la bonne exécution du contrat. Le préfet leur répond se contenter dans l’immédiat de procéder à la transformation des 450 armes en leur possession, leur rappelant par la même occasion qu’elles doivent être livrée pour le 26 mars. Au passage, il leur signale aussi n’avoir toujours pas reçu le modèle type qui aurait dû lui être remis à l’issue de la signature du contrat.
Alors que le 26 février un traité de paix a été signé entre la France et l’Allemagne, le 22 avril, un nouveau préfet fraîchement nommé, adresse un courrier au commandant par intérim de la division, lui demandant de bien vouloir confier au chef armurier du dépôt de Périgueux l’examen du modèle type qui avait été déposé par l’armurier Neyrat comme référence pour ses futurs travaux. Le 28 avril, un rapport d’examen rédigé par les chefs armuriers des 1er et 100e de ligne et par celui du 1er bataillon de chasseurs à pied, après avoir pointé un certain nombre de défaut, conclut que « l’ensemble du travail laisse à désirer et nécessiterait de la part du chef de l’entreprise une plus grande surveillance. »
Le 12 mai 1871, Jules Pravis informe le préfet qu’il conteste les conclusions des armuriers militaires, regrettant de n’avoir pu leur faire constater la validité et la qualité des modifications apportées aux armes reçues. Constatant n’avoir toujours pas reçu les 950 fusils manquants, les contractants estiment que la non-livraison des armes, qui remet en cause le contrat signé le 7 janvier leur cause un préjudice de 13449, 95 francs, et ouvre la porte à une annulation de contrat aux dépens de la préfecture. Le 17 mai, Neyrat et Pravis qui ont bien compris l’annulation inéluctable du contrat qui se profile du fait de la cessation des hostilités, se voient refuser par le préfet une proposition d’indemnisation déposée auprès de la préfecture, jugée trop exagérée.
Le 22 mai 1871, constatation est faite sur papier timbré entre les deux parties que seuls 450 fusils ont été livrés pour modification à MM. Neyrat et Pravis, et que parmi ceux-ci seuls 94 ont été effectivement modifiés et remis au département. Le préfet, précise à cette occasion que « les événements survenus depuis la date du marché du 8 janvier dernier en rendent aujourd’hui l’exécution impossible et demain inutile pour le département » Le département voulant résilier le marché pour la quantité d’armes restant à livrer, MM. Neyrat et Pravis, qui n’ont d’autre choix, consentent à cette résiliation à la condition qu’il leur sera allouée une indemnité qui devra être fixée par des arbitres chois par les parties. » Le principe est accepté d’une résiliation de la partie portant sur la modification de 950 armes non encore livrées au contractant.
Le 14 juin 1871, le général commandant la 3e subdivision de la 14e région militaire informe le préfet de la Dordogne qu’à la demande de ce dernier il a demandé au major de la garnison de Périgueux de s’entendre avec lui pour y stocker dans l’enceinte d’une caserne de la ville 300 fusils à tabatière récemment reçus par le département, dans les but de les mettre « en sûreté ». Cette empressement à mettre ces armes sous clé est bien évidement à mettre en relation avec l’épisode de la Commune de Paris qui vient de s’achever le 28 mai précédent.
L’histoire ne dit pas si Neyrat et Pravis reçurent des indemnités à la hauteur de leurs espérances, mais elle illustre néanmoins les difficultés rencontrées par la petite industrie armurière au service de la Défense Nationale et le fait que les fusils à tabatières période que l’on trouve de nos jours dans les collections ne sont pas tous forcément contemporains de la guerre franco-prussienne de 1870-1871…
Source : dossier 7 R 1, Archives départementales de la Dordogne.
[url=file:///C:/Users/lecture1/Desktop/DEBIDOUR Antonin.docx#_ftnref1][1][/url] L’armurier Neyrat était situé rue Taillefer.
asiate- Membre confirmé
- Nombre de messages : 465
Age : 58
Date d'inscription : 26/04/2011
Re: Histoire de fusils à tabatière en Périgord en 1871...
Très intéressant
Merci
Merci
Tico- Pilier du forum
- Nombre de messages : 2249
Age : 44
Date d'inscription : 13/12/2016
kabourec- Membre confirmé
- Nombre de messages : 357
Age : 85
Date d'inscription : 03/01/2012
Re: Histoire de fusils à tabatière en Périgord en 1871...
Bel éclairage sur une période difficile pour notre patrie!
Merci!
Merci!
CESABC- Pilier du forum
- Nombre de messages : 1179
Age : 74
Date d'inscription : 03/02/2012
Re: Histoire de fusils à tabatière en Périgord en 1871...
Ça montre aussi l'âpreté des affairistes de l'époque (déjà), soumissionnant pour des marchés hors de leur portée (quantité de fusils à silex livrés, nombre et qualité des fusils transformés par rapport au volume effectivement livré), mais réclamant tout de même une compensation pour ce qu'ils ont été incapables de faire dans les temps...
On est assez loin du "sursaut patriotique" !
Même en temps de paix, juste avant, le marché Cahen-Lyon n'avait pas été brillant.
On est assez loin du "sursaut patriotique" !
Même en temps de paix, juste avant, le marché Cahen-Lyon n'avait pas été brillant.
Petite collection de documents anciens et récents : http://p.lacour.malvaux.free.fr/Arquebuses.htm
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